3 raisons inquiétantes qui permettent à la psychiatrie de conserver son pouvoir malgré sa perte de crédibilité scientifique

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3 raisons inquiétantes qui permettent à la psychiatrie de conserver son pouvoir malgré sa perte de crédibilité scientifique

Bruce Levine (06/01/15).

«Jusqu'où faut-il aller ici pour perdre un tant soit peu de crédibilité?» demande le reporter Jesse Eisinger dans un article de 2012 au sujet des plus haut·es dirigeant·es de Wall Street qui ont créé la crise financière mais qui sont resté·es les plus haut·es dirigeant·es de Wall Street, continuant de siéger aux conseils d'administration d'entreprises privées ou à but non lucratif, servant de régulateurices, et dont les opinions restent convoitées par les grand·es éditorialistes et les talk-shows. Wall Street n'est pas le seul endroit où quelqu'un peut avoir complètement tort tout en gardant une puissante influence.

Les influent·es psychiatres «faiseurs d'opinions» et les grandes institutions psychiatriques, selon leurs propres aveux récents, se sont trompé·es à plusieurs reprises concernant la validité du modèle maladie/trouble, les causes biochimiques et les traitements médicamenteux; de plus, dans plusieurs cas, leur corruption par les industries pharmaceutiques a été découverte – pour autant iels continuent d'être pris·es au sérieux par les médias.

Pendant que le soutien financier de l'industrie pharmaceutique est une des raisons pour laquelle la psychiatrie parvient à conserver son influence, ce n'est pas la seule raison. De façon plus insidieuse, la psychiatrie conserve son influence en raison des besoins de la structure de pouvoir qui plus largement nous gouverne. Et peut-être plus troublant encore, la psychiatrie conserve son influence à cause de nous – et de l'augmentation de nos peurs qui ont conduit à des besoins accrus en coercition.

Mais avant d'aborder ces trois raisons, un peu de documentation sur la perte de crédibilité scientifique de la psychiatrie dans plusieurs domaines critiques.

La perte de crédibilité scientifique de la psychiatrie

L'invalidité du DSM. En 2013, la bible diagnostique de l'Association américaine de psychiatrie, le DSM, a été vivement critiqué par les piliers de l'institution psychiatrique. Thomas Insel, directeur du National Institute of Mental Health (NIMH) – la plus haute autorité gouvernementale en santé mentale des États-Unis – a infligé un sévère blâme au DSM, en annonçant que les catégories diagnostiques du DSM manquaient de validité et en déclarant que «la NIMH réorientera ses recherches en s'éloignant des catégories du DSM». En 2013 également, Allen Frances, l'ancien président du groupe de travail en charge du DSM 4, publie son livre, Saving Normal: An Insider's Revolt against Out-of-control Psychiatric Diagnosis, DSM-5, Big Pharma, and the Medicalization of Ordinary Life, [le titre signifie ''Sauver le normal : une révolte de l'intérieur contre les diagnostics psychiatriques incontrôlables, le DSM 5, l'industrie pharmaceutique et la médicalisation de la vie ordinaire"]

La théorie du déséquilibre biochimique discréditée. Ce fut une grande surprise pour la journaliste Alix Spiegel en 2012 de découvrir que l'institution psychiatrique affirme maintenant avoir toujours su que la théorie du déséquilibre biochimique dans la dépression était fausse. Ronald Pies, rédacteur en chef émérite du Psychiatric Times a déclaré en 2011, «en vérité, la notion de ''déséquilibre chimique'' a toujours été une sorte de légende urbaine – jamais une théorie sérieusement défendue par des psychiatres bien informé·es.» Insel, le directeur du NIMH, avait déjà dit au Newsweek en 2007 que la dépression n'est pas due à des niveaux bas de neurotransmetteurs tels que la sérotonine. Cependant, la psychiatrie n'a pas fait de tentative sérieuse pour faire savoir que la recherche avait rejeté cette théorie du déséquilibre chimique, une théorie efficacement utilisée dans les publicités pour vendre des antidépresseurs censés corriger ce déséquilibre – un déséquilibre que la psychiatrie savait ne pas exister.

Repenser l'efficacité des médicaments antipsychotiques et antidépresseurs. En 2013, le directeur du NIMH, Insel, a aussi annoncé que le traitement de base pour les personnes diagnostiquées avec une schizophrénie ou d'autres psychoses n'a pas été bénéfique pour de nombreuses personnes et qu'il doit changer de façon à mieux refléter la diversité de cette population. Citant des études sur le long terme, Insel en a conclu que sur le long terme, beaucoup de personnes ayant été diagnostiquées psychotiques s'en sortent en réalité mieux sans médicaments antipsychotiques. Concernant les antidépresseurs, l'émission 60 Minutes en 2012 a rapporté une information que les chercheuseurs qui travaillent sur ses médicaments connaissent depuis longtemps: les placebos sont presque aussi bénéfiques que les antidépresseurs, même dans les études biaisées des entreprises pharmaceutiques en faveur des antidépresseurs. Le reportage de 60 Minutes s'est focalisé sur un chercheur en psychologie, Irving Kirsh, qui a utilisé la Loi pour la liberté d'information afin d'effectuer des recherches sur les essais cliniques d'entreprises pharmaceutiques publiés et non publiés concernant les données de 6,944 patient·es provenant des tests de la FDA [Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux] pour les 6 antidépresseurs les plus populaires (Prozac, Paxil, Zoloft, Effexor, Celexa, et Serzone). [Pour plus d'info, voir la traduction de l'article de Kirsh Les antidépresseurs et l'effet placebo]

Les traitements psychiatriques peuvent augmenter le risque de suicide. La FDA – malgré les protestations de l'institution psychiatrique – a émis des avertissements sur les emballages des médicaments concernant la probabilité d'augmentation du risque de suicide pour les patient·es en dessous de 25 ans qui utilisent des antidépresseurs. En 2014, AlterNet rapporte : «La recherche semble montrer que les interventions psychiatriques telles que l'admission dans un établissement de santé mentale pourraient augmenter le risque de suicide» citant une étude de l'Université de Copenhague qui comparait des Danois·es qui s'étaient suicidé·es à une population témoin entre les années 1996 et 2009. Les chercheuseurs ont constaté que prendre des médicaments psychotropes au cours d'une année antérieure était lié à une augmentation du suicide de 5,8 fois; la fréquentation d'un établissement psychiatrique en ambulatoire était associée avec une augmentation de 8,2 fois; être admis·e en chambre d'accueil d'urgence psychiatrique était associé avec une augmentation de 8,2; et l'admission dans un hôpital psychiatrique était liée à une augmentation de 44,3 fois du taux de suicide.

Bien que la corrélation en elle-même ne signifie pas nécessairement lien de causalité, un éditorial du même journal dans lequel l'article a été publié soulignait que les associations détaillées dans cette étude indiquent une bonne probabilité de relation causale. Parmi les raisons pour lesquelles un traitement psychiatrique pourrait bien augmenter le risque de suicide, outre les effets secondaires des médicaments, il y a la stigmatisation et le trauma dus au traitement, comme le déclare l'éditorialiste : «Il est donc tout à fait plausible que la stigmatisation et le trauma inhérent au traitement psychiatrique (particulièrement celui qui est contraint) puissent, chez des individus déjà vulnérables, contribuer à certains suicides.»

Créer la stigmatisation avec les théories de l'anomalie biochimique. Dans l'institution psychiatrique, il a longtemps été proclamé que considérer la maladie mentale comme une maladie du cerveau ou une anomalie biochimique conduirait à moins de stigmatisation. Mais la Fondation canadienne pour l'amélioration des services de santé (FCASS), dans une étude des recherches intitulée «Mythe: repenser la maladie mentale comme une ''maladie du cerveau'' réduirait la stigmatisation» a rapporté en 2012: «Malgré de bonnes intentions, les faits montrent qu'en réalité les campagnes anti-stigmatisation soulignant la nature biologique de la maladie mentale n'ont pas été efficaces et ont souvent empiré le problème.» L'exemple en est donné par une étude de 2010 dans Psychiatry Research qui rapporte que pour le grand public l'acceptation du «modèle biogénétique de la maladie mentale» était associée avec un désir de plus grande distance sociale avec les malades mental·es. L'étude de la FCASS affirme: «Les faits nous montrent qu'alors que le public fera peut-être moins de reproches à des individus pour leur maladie biologiquement déterminée, l'idée même que leurs actions puissent être au-delà de leur contrôle conscient peut créer la peur de leur imprédictibilité et donc la perception que les malades mental·es sont dangereuses et dangereux...ce qui conduit à l'évitement.»

La corruption de la psychiatrie par l'industrie pharmaceutique. L'industrie pharmaceutique finance lourdement les départements universitaires de psychiatrie, sponsorise des conférences et la formation continue des psychiatres, fait de la publicité dans leurs revues professionnelles, et paye des clinicien·nes et des chercheuseurs de 1er plan pour être porte-paroles et consultant·es. J'ai décrit dans Surviving America's Depression Epidemic [le titre signifie: Survivre à l'épidémie de dépression aux États-Unis] en 2007 et mis à jour dans Truthout en 2012 comment en pratique chaque manière dont le public et les médecins reçoivent de l'information sur la santé mentale a été corrompue par l'argent des entreprises pharmaceutiques. En 2008, les enquêtes du Congrès sur la psychiatrie ont révélé que les grandes institutions psychiatriques comme l'association américaine de psychiatrie et plusieurs psychiatres «leaders d'opinion», y compris le psychiatre d'Harvard Joseph Biederman, étaient corrompu·es par les entreprises pharmaceutiques, créant des conflits d'intérêts évidents et endommageant un peu plus la crédibilité de la psychiatrie.

Le New York Times a rapporté ce qui suit concernant Biederman: «Un pédopsychiatre de Harvard à la renommé mondiale dont le travail à contribuer à faire exploser l'utilisation de puissants antipsychotiques chez les enfants, a gagné au moins 1,6 million en frais de consultation de la part des fabricant·es de médicaments de 2000 à 2007; de plus le Times a rapporté plus tard que Biederman avait tenu au courant Johnson & Johnson que sa proposition de recherche sur leur médicament antipsychotique, le Risperdal, tournerait en la faveur de Johnson and Johnson – avant de livrer la marchandise. Biederman était seulement un cas parmi plusieurs autres psychiatres influent·es concerné·es par l'enquête du Congrès. Le DSM, manuel de diagnostic, est publié par l'Association américaine de psychiatrie (AAP), et selon le journal PLOS Médecine, «69% des membres du groupe de travail du DSM rapportent avoir des liens avec l'industrie pharmaceutique.»

Pourquoi la psychiatrie conserve du pouvoir malgré sa perte de crédibilité

Les entreprises pharmaceutiques ont besoin que le grand public prenne au sérieux les personnes qui leur prescrivent des médicaments psychotropes, alors l'industrie soutient financièrement les institutions psychiatriques et les leaders d'opinion. Et l'industrie pharmaceutique pèse énormément sur les médias via la dépendance des médias aux recettes publicitaires de cette industrie. Si l'industrie pharmaceutique est la raison la plus évidente pour laquelle la psychiatrie garde du pouvoir malgré une perte de crédibilité scientifique, ce n'est peut-être pas la raison la plus importante. La psychiatrie sert les besoins de la structure de pouvoir plus générale. Et dans notre société toujours plus fondée sur la peur, la psychiatrie répond à nos propres besoins accrus en coercition.

Répondre au besoin de coercition de la structure de pouvoir

Les élites dirigeantes et les structures de pouvoirs – des monarchies jusqu'aux dictatures militaires en passant par la corporatocratie étasunienne – ont régulièrement utilisé des «professionnel·les» pour empêcher la population de se rebeller contre les inégalités économiques et les injustices sociales, de façon à maintenir le statu quo. Les structures de pouvoirs reposent habituellement sur la police et le clergé, et aujourd'hui aux États-Unis les structures de pouvoirs utilisent également les professionnel·les de la santé mentale. Les traitements médicamenteux et les «traitements» de modification comportementale ont été utilisés pour mater la résistance à un statu quo déshumanisant, que ce soit dans la famille où plus largement dans la société. Ce qui suit contient quelques exemples de comment la psychiatrie comme la psychologie ont répondu aux besoins de la structure de pouvoir en échange d'un statut et d'argent.

Le projet MKULTRA: Une partie de l'Histoire étasunienne ressemble aux divagations d'un·e conspirationniste illuminé·e, mais sa véracité a été finalement confirmée des décennies plus tard par la commission Church du congrès des États-Unis, reconnue par la Court Suprême des États-Unis, et attesté dans The Search for the "Manchurian Candidate": The CIA and Mind Control: The Secret History of the Behavioral Sciences [le titre signifie: "À la recherche du 'candidat Manchurian' : La CIA et le contrôle de l'esprit: l'histoire secrète des sciences comportementales"] de l'ancien fonctionnaire du Département d'État John Marks. Ewen Cameron, président de L'Association américaine de psychiatrie en 1953, a recherché des moyens puissants pour détruire la résistance des patient·es, et il a ainsi fait des expériences avec du LSD, mais aussi des électrochocs ou la privation sensorielle. La CIA, sous le nom de code de projet MKULTRA, désirant en apprendre plus sur les méthodes de Cameron, le finança ainsi que d'autres psychiatres de renoms dans les années 1950 et 1960, pour conduire des expériences de lavage de cerveau.

Aide à l'interrogatoire/torture: Peu après les événements tragiques du 11 septembre 2011, l'Association américaine de psychologie (AAP) a fait d'énormes efforts pour entretenir des relations avec le Département de Défense des États-Unis (DOD), l'Agence d'Intelligence Centrale (CIA), ainsi que d'autres agences gouvernementales. Comme le rapporte Truhout en 2014, l'AAP visait «à positionner les chercheuseurs en psychologie et en sciences comportementales comme des personnages clés dans les activités d'antiterrorisme et de contre-espionnage aux États-Unis.» L'AAP n'a pas seulement toléré, mais a même applaudi l'aide de psychologues dans l'interrogation/torture à Guantánamo et ailleurs.

Empêcher la résistance des soldat·es étasunien·nes. Des psychiatres et des psychologues ont empêché la résistance des soldat·es étasunien·nes en Irak et en Afghanistan par des «traitements» médicamenteux et des manipulations comportementales. Selon le Navy Times, en 2010 un·e membre étasunien·ne des services armés sur six prenait au moins un médicament psychotrope, dont beaucoup étaient dans des zones de combats. Martin Seligman, un ancien président de l'association américaine de psychologie, a été consultant pour le Programme de psychologie positive de remise en forme de l'armée étasunienne (comme je l'ai rapporté sur Alternet en 2010). Seligman a obtenu non seulement une «position et un rang social», mais aussi plusieurs millions de dollars pour son Centre de Psychologie Positive de l'Université de Pennsylvanie, selon le Philadelphia Inquirer, qui cite Seligman déclarant: «Nous cherchons à créer une armée invincible.»

Pathologiser et médicaliser le non-conformisme: Les psychiatres comme les psychologues pathologisent et médicalisent le fait d'être anti-autoritaire et non-conformiste, j'ai décrit ce phénomène sur Alternet en 2012 [voir notre traduction de l'article ici]. Beaucoup des personnes recevant des diagnostics de maladies mentales sont essentiellement des anti-autoritaires, et une large armée potentielle d'activistes anti-autoritaires sont éloigné·es des champs de bataille de la démocratie par des professionnel·les de santé mentale qui ont pathologisé et dépolitisé leur souffrance.

Répondre à nos besoins de coercition

Tôt dans ma carrière et pendant 2 ans, j'ai travaillé comme thérapeute en chambre d’accueil d'urgence psychiatrique. J'ai observé un nombre incalculable de cas de policier·es traînant des personnes agitées aux urgences. Elles étaient ensuite placées de force en hospitalisation sous contrainte. Certain·es policier·es restaient aux urgences pour regarder – à la fois par admiration et envie – avec quelle rapidité une injection d'Haldol ou d'un autre antipsychotique pouvait calmer une personne.

Toutes les sociétés, communautés, et familles contraignent et contrôlent les membres qui leur font peur. Cependant, le type de comportement qui effraie les gens varie énormément, et donc ce qu'iel est permis de contraindre et de contrôler varie énormément. Ainsi, alors qu'iel serait assez universel pour une société de contraindre et contrôler quelqu'un·e qui attaque physiquement d'autres de ces membres, il est tout à fait historiquement exceptionnel – comme c'est le cas dans la société étasunienne – d'utiliser des médicaments antipsychotiques pour soumettre un·e enfant de sept ans qui s'ennuie et qui refuse les contrôles en classe. En décembre 2012, les Archives of General Psychiatry (rebaptisées JAMA psychiatry) ont rapporté que, entre 1993 et 2009, il y a eu une multiplication par sept de la prescription d'antipsychotiques aux enfants de 13 ans et moins, et que des états non psychotiques comme des «troubles du comportement perturbateur» étaient les diagnostics les plus courants chez les enfants à qui l'on prescrivait des antipsychotiques, comptant pour 63% des personnes sous médicaments.

La croissance spectaculaire des médicaments antipsychotiques aux États-Unis est largement due à la perpétuelle augmentation de l'acceptation sociale de l'utilisation des médicaments pour contrôler les comportements indésirables. Les antipsychotiques rapportaient près de 18 billions de $ par an en 2011, et en 2013 un antipsychotique, l'Abilify, était le plus gros succès parmi tous les médicaments aux États-Unis, avec près de 6,5 billions de $ de ventes. En plus des enfants – en particulier les enfants adoptive·ifs – l'essor du marché étasunien des antipsychotiques inclut les personnes âgées en maisons de retraite et les détenu·es en prison, où les antipsychotiques sont une façon relativement bon marché de gérer ces populations.

Dans un article de 2014: It’s the Coercion, Stupid! [le titre signifie: «C'est la coercition, Idiot!»] David Cohen, dans la tradition de l'ouvrage de Michel Foucault Histoire de la folie, actualise la façon dont le besoin social de la «fonction de police extra-légale» de la psychiatrie oblige la société à rester aveugle au manque complet de validité scientifique de la psychiatrie. Cohen note: «L'appréciation par la société de la coercition psychiatrique déséquilibre doucement, mais sûrement les règles du jeu. En raison de la coercition psychiatrique, la société donne à la psychiatrie un laissez-passer. Ces théories n'ont jamais besoin de réussir aucun test rigoureusement conçu (comme on l'attend d'autres théories scientifiques importantes), elles n'ont besoin que d'être affirmées.»

Ainsi, la dénonciation continuelle par les journalistes du manque de scientificité et de la corruption de l'industrie pharmaceutique n'a pratiquement pas eu d'impact dans la réduction de l'influence de la psychiatrie. Des réformes conséquentes en santé mentale ne se feront pas sans que la société elle-même ne se réforme pour être moins craintive et avoir moins besoin de contrôle et de coercition. Par exemple, si la société pouvait comprendre l'idée qu'il y a de nombreux adolescent·es extrêmement intelligent·es qui ne sont pas «scolaires» et qui n'ont pas besoin d'une scolarité normale, mais d'une autre forme d'éducation pour réussir dans un tas de professions, alors la rébellion adolescente contre la scolarisation normale ne serait pas aussi effrayante pour les parent·es – et le besoin de coercition et de contrôle par des manipulations comportementales et des médicaments psychiatriques disparaîtrait.

Cohen conclut: «Avouons-le: personne ne se soucie du fait que la recherche en psychiatrie des 50 dernières années ait échoué à faire la moindre découverte utile pour une psychiatrie clinique scientifique.»

Bien sûr, Cohen s'en soucie, comme tout véritable scientifique, mais il a raison, aussi longtemps que la société aura besoin de la coercition «extra-légale» que la psychiatrie procure, la société aura besoin de rester dans le déni de l'illégitimité scientifique de la psychiatrie. Sans une baisse de la demande sociale de coercition, les abolitionnistes de la psychiatrie devraient se méfier du fait que si la psychiatrie perdait un jour son influence, une autre institution coercitive viendrait probablement combler le vide.

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Source : www.madinamerica.com

Traduit de l'anglais. Cette traduction est participative, toute personne peut proposer des améliorations en nous contactant, cette version est donc en permanence susceptible d'être modifiée.

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