ELLE DOIT ÊTRE FOLLE : le discours psychiatrique, les "troubles de la personnalité" et la régulation sociale des femmes subversives
Jennifer L. Reimer (2009)
(Extraits)
Sommaire :
1. Introduction
2. Concepts théoriques
a) La théorie féministe: les stéréotypes genrés et la double contrainte
b) Médicalisation
c) La théorie foucaldienne: autorité, pouvoir, histoire, gouvernementalité
d) L'"effet de boucle" de Hacking
e) Néolibéralisme: l'année 1980
3. Les troubles: borderline, dépendante, histrionique
4. L'histoire de l'oppression des femmes: sorcellerie, hystérie, troubles de la personnalité
5. Pop culture: propager la légitimité
a) Les films et la télévision
6. Femmes dangereuses dans la société néolibérale: le pouvoir psychiatrique et le rétrécissement du spectre de la normalité
7. Impasse conceptuelle: la question de l'abus
Conclusion
Annexes
Travaux cités
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1. Introduction
Les femmes déviantes ont été étiquetées et soumises à des méthodes coercitives de «correction» à travers toute l'histoire. La violation des rôles socialement prescris et la transgression des normes concernant le comportement culturellement «acceptable» pour une femme garantit d'être soumise aux mécanismes régulateurs des plus puissantes institutions de la société. En utilisant la théorie sociologique, la généalogie, et l'analyse critique du discours, cet essai examinera le pouvoir omniprésent de la psychiatrie et plus largement de l'institution psy dans la culture occidentale actuelle, en retraçant ses remarquables succès dans la régulation des femmes, dans la suppression de la possibilité de l'organisation des femmes et de l'action révolutionnaire, et dans la perpétuation des mêmes restrictions sur l’expérience du monde d'une femme que celles imposées tout au long de l'histoire.
La recherche féministe sur la psychiatrie (Blum et Stracuzzi 2004, Busfield et Campling 1996, Chamberlin 1975, Chunn et Menzies 1990, Martin 1982, Plechner 2000, Smith 1975) utilise une critique similaire de la validité des diagnostics psychiatriques à celle initialement postulée dans les premières études critiques de la psychiatrie ainsi que dans les nombreuses branches de l'antipsychiatrie, de la Mad Pride, et des groupes et des mouvements pour les droits humains. Ces individu·es et organisations variées conviennent généralement que le savoir et l'expérience de la folie surviennent non pas d'une anormalité médicale individuelle, mais des structures culturelles, économiques et de pouvoir de la société dans laquelle des comportements «fous» se produisent (Becker 2000, Caplan 2006, Elden 2006, Foucault 1965). Thomas Szasz, une des plus vives figures dans la bataille pour contester le monopole des disciplines psy sur la définition de la «normalité» ou «l'anormalité» humaine, a été le premier chercheur à faire un parallèle entre le phénomène ancien de «sorcellerie» et l’étiquetage des femmes en tant que sorcières, et le phénomène plus récent de diagnostic des femmes comme «malades mentales», considérant que les deux concepts ont fonctionné pour définir la conduite féminine acceptable et pour fournir des punitions pour la déviance, qui apparaissent maintenant souvent sous la forme de «traitement» médical (Szasz 1974:182-198). De nombreuseux autres chercheuseurs offrent des analyses différentes du même parallèle (Chodoff 1982, Foucault 1965, Turner et Edgley 1983). Depuis que le sujet à été rendu public pour la première fois, les chercheuseurs féministes ont examiné les conditions et processus qui permettent aux femmes d'être rendues déviantes et régulées au nom de la «santé mentale», bien que le consensus social concernant la légitimité de ce concept soit tellement omniprésent que le simple fait de soulever des questions sur son sens, son utilisation, ou l'industrie qui en tire du pouvoir pourrait conduire la/le coupable a être diagnostiqué·e comme «folle/fou» (Chamberlin 1975, Chunn et Menzies 1990, Kaplan 1983, Lerman 1996, Smith 1975).
Le manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM), une publication de l'Association Américaine de Psychiatrie (AAP), sert de «bible psychiatrique» (voir Kutchins et Kirk 1998) pour la maladie mentale, et définit les critères d'un nombre toujours plus grand de troubles. Le DSM-I faisait 130 pages de long, énumérant 106 troubles. Maintenant dans sa quatrième édition, le DSM-IV fait 886 pages de long et énumère 297 troubles, près du triple de sa première édition (Grob 1991). C'est le manuel standard utilisé par tous les psychiatres et autres cliniciens comme outil de diagnostic des patient·es. La validité de toute l’épidémiologie du DSM a été contesté (Kutchins et Kirk 1998, Rose 1986), mais la catégorie spécifique qui va être discutée dans cet essai – les troubles de la personnalité (TP) – est celle qui comporte le moins de ressemblance avec les maladies physiques, qui utilise un langage particulièrement vague et hautement interprétable, et révèle avec transparence sa possible utilisation comme outil pour la pathologisation, l'oppression, et le contrôle social des femmes. Cet essai se focalisera sur les trois troubles de la personnalité qui sont le plus exclusivement diagnostiqués chez les femmes (AAP 1994) : le trouble de la personnalité histrionique (TPH), le trouble de la personnalité dépendante (TPD), et le trouble de la personnalité borderline (TPB). Les critères pour ces «troubles» énumérés dans le DSM (voir Appendices A-C) décrivent des comportements genrés stéréotypés, des caricatures de rôles féminins dans la société moderne contemporaine, ainsi que des réponses courantes à l'oppression.
2. Concepts Théoriques
a) La théorie féministe : les stéréotypes genrés et la double contrainte
La socialisation des enfants depuis la petite enfance reflète et perpétue les stéréotypes genrés (Nehls 1998:98). Comme l'on souligné de nombreuseux théoricien·nes, de Parsons (Parsons 1951) à Smith (Smith 1975), les femmes sont associées aux comportements «expressifs» et à la «communion», tandis que les hommes sont associés avec le comportement «instrumental» et «l'agency» [«agency» renvoie à la capacité d'autonomie, d'action sur le monde] (Becker 1997:39). On apprend aux jeunes garçons à être autonomes et agressifs, tandis que l'on apprend aux jeunes filles à être dépendantes et passives. Le renforcement des comportements genrés est puissant, il s'accomplit à travers un traitement différentiel et un système complexe de récompenses et de punitions formelles et informelles, ancré dans presque toutes les interactions sociales. Les traits assignés aux filles et aux femmes sont ceux que la sociétés dévalue, donc les femmes sont par conséquence dévaluées, ce qui conduit à un traitement différentiel et des expériences négatives, y compris le fait d'avoir une plus grande chance d'être diagnostiquées comme souffrant d'un trouble psychiatrique, en particulier lorsque ces traits sont exagérés.
La caractérisation genrée [« gender typing » en anglais] est flagrante dans les TP, même sans examiner leurs critères spécifiques. Les dix troubles sont regroupés dans trois groupes, qui à première vue révèlent des stéréotypes communément répandus sur les hommes et les femmes. Le groupe A, comprenant uniquement des troubles diagnostiqués plus fréquemment chez les hommes (troubles de la personnalité paranoïaque, trouble de la personnalité schizotypique, et le trouble de la personnalité schizoïde), est défini sous la rubrique «comportement bizarre ou excentrique». Tandis que, le groupe B, comprenant le TPB et TPH, utilise une rubrique nommée «comportement dramatique, émotionnel, ou erratique», et le groupe C, qui comprend le TPD, est rangé dans les «comportements anxieux et craintifs» (AAP 1994). Le groupe uniquement constitué de troubles plus fréquemment attribués à des hommes manque de toute référence à l'émotivité, alors que les deux autres se focalisent sur les émotions, les étiquetant comme problématiques. Tandis que les schémas de la masculinité hégémonique découragent les hommes d’exprimer leurs émotions, les femmes sont associées à l'émotivité, et ici elles sont pathologisées pour en avoir trop exprimé.
Une analyse des critères pour les trois TP, démontre qu'ils constituent un spectre de comportements féminins acceptables et culturellement prescrits – par exemple, une femme ne doit pas être trop dépendante d'un compagnon masculin, puisque cela est décrit comme un comportement caractéristique du TPD, mais elle ne doit pas non plus s'adonner à des relations non sérieuses, un critère listé à la fois pour le TPH et le TPB. Une norme – un standard socialement partagé concernant une conduite culturellement appropriée et désirable – est définie. Une femme devrait «s’installer» avec un partenaire monogame, mais ne devrait pas trop compter sur lui. Dans la société en général, les femmes et les filles sont pénalisées à la fois pour s'être conformées aux normes et avoir échouer à se conformer aux normes qui relèvent du comportement féminin «approprié». Cette situation paradoxale constitue une «double contrainte» – une situation dans laquelle quelqu'un·e reçoit des messages contradictoires, et cela diffère d'une situation dite «doublement perdante» pour deux raisons : 1) l'individu affecté·e est largement inconscient·e de son existence, et 2) elle jaillit d'une personne ou d'une institution que l'individu·e respecte ou en le/laquelle iel à confiance (Brown et Ballou 2002). Toutes les femmes dans notre société sont confrontées à une double contrainte – elles peuvent soit se conformer à la conduite féminine «adéquate», renforçant leur subordination et leur impuissance, ou bien elle peuvent se rebeller en adoptant des traits supposément «masculins» comme l'indépendance, et alors faire face au châtiment et à l'aliénation. Les deux choix peuvent conduire à un diagnostic psychiatrique, et plus une conduite est extrême, quelle qu’en soit la direction, plus grande est la probabilité qu'elle soit sanctionnée.
Kaplan (Kaplan 1983) fournit la première critique féministe des troubles de la personnalité en 1983, soutenant que certains TP – le TPH et TPD, en plus du «trouble de la personnalité évitante» (TPE) – peuvent être perçus comme des caricatures des rôles féminins traditionnels, et peuvent être utilisés pour punir les femmes qui se sur – ou se sous – conforment aux normes de genres. En outre, le DSM définit les conséquences du TP comme étant «soit une déficience significative dans le fonctionnement social ou occupationnel, soit une détresse subjective» (AAP 1980 cité par Kaplan 1983 : 788), n'admettant pas la possibilité que la «perturbation» en question soit due à un conflit entre l'individu et la société, et non l'indice d'une «déficience». Kaplan mentionne le TPB mais ne l'examine pas substantiellement. Depuis la publication de ses recherches concernant sa perception de la caractérisation genrée dans les troubles de la personnalité, collectées pendant les cinq ans qui ont suivi la sortie du DSM III, le TPB est devenu le TP le plus diagnostiqué ; il sera soumis à un examen approfondi dans cet essai.
Les femmes représentent l'Autre dans le discours psychiatrique (Rimke 2003, Smith 1975) – instables par rapport à la «norme rationnelle» (Wirth-Cauchon 2001:39). La logique binaire de notre culture, dualistique et hiérarchique, est à l’œuvre. Les traits «féminins» ne sont pas seulement dévalués et placés dans une position subordonnée, mais ont été médicalisés et pathologisés, comme on le voit nettement dans les critères des TP. Le sujet cartésien admis par notre société valorise la pensée plutôt que les sentiments, qui eux sont associés avec le féminin, et sont pathologisés dans le discours psychiatrique.
b) Médicalisation
Conrad et Schneider définissent la médicalisation comme «la définition et le diagnostic d'un comportement déviant comme étant un problème médical, habituellement comme étant une maladie, et la désignation de la profession médicale afin de fournir une forme de traitement pour cela» (Conrad et Schneider 1980:29). L'augmentation de l'intervention de l'institution médicale dans la vie quotidienne des individus permet le contrôle social et la régulation morale en limitant, modifiant, isolant, ou éliminant le comportement déviant avec des technologies médicales, et au nom de la «santé» (ibid.). Un discours hybride émerge, tandis que le jargon médical s'infiltre dans les discussions de tous les jours concernant les difficultés de la vie, et des phénomènes qui auparavant n'avaient jamais été associés à des «traitements» médicaux sont recontextualisés en des termes médicaux (Dworkin 2001, Rimke et Hunt 2002). Cette perspective sociologique sur la médecine et la maladie diffère des conceptions dominantes de la maladie qui inclus : 1) la conception positiviste, similaire aux conceptions du «bon sens» commun, qui considère que la maladie est une affection qui altère le bon fonctionnement de l'organisme, et que ces maladies sont entièrement objectives, et 2) la conception phénoménologique qui postule une dichotomie corps/société, soutenant que l'affection [«disease»] est un état physiologique tandis que la maladie [«illness»] est un état social, probablement causé par une affection (Conrad et Schneider 1980:30). La dernière perspective permet une compréhension des différentes interprétations de certaines présentations physiologiques parmi différentes cultures – tandis que dans la culture d'Amérique du Nord l'acné de l'adolescence est une affection qui doit être médicalisée par différentes potions, certaines sociétés d'Amérique du Sud considèrent la même présentation physique de l'acné comme un joli signe d'entrée dans l'âge adulte.
Bien que ces enquêtes et comparaisons culturelles soient utiles pour illustrer la différence existant entre des sociétés distinctes et pour contester les hégémonies locales, la perspective sociologique pose un regard plus indiscret et critique, déclarant que l'«affection» et la «maladie» sont toutes les deux de pures constructions humaines qui émergent de la puissante et autoritaire institution médicale, qui sont ensuite introduites dans la population générale, et en viennent à être perçues comme des représentations de la vérité et de la réalité parmi les profanes, validant ainsi davantage les déclarations de la médecine et renforçant le pouvoir et le privilège de la science médicale (Hacking 1999, Murphy 2001). Les maladies sont des jugements sociaux négatifs qui affectent immédiatement le comportement de l'individu diagnostiqué·e, et le sens de la maladie est défini socialement, indépendamment de n'importe quel état biophysique (Conrad et Schneider 1980:31).
L'exemple des «maladies mentales» démontre avec élégance ce processus, puisque leurs fondements biophysiques – maintenant généralement cités comme issus d'un «déséquilibre chimique» du cerveau – peuvent être au mieux considérés comme vagues. Elles sont entièrement définies socialement – d'abord par quelques membres puissant·es de l'institution psychiatrique, et ensuite par la société dans son ensemble (voir Turner et Edgley 1983). Les individus diagnostiqué·es comme psychologiquement «malade» commencent à adopter le «rôle de la/du malade», un rôle défini par des attentes sociales (Parsons 1951). Après l'assignation d'un diagnostic par une figure d'autorité médicale, iel est déchargé·e de certaines responsabilités et en vient à être perçu·e comme quelqu'un·e qui a besoin qu'on s'occupe d'ellui. Étant donné que la «maladie» est essentiellement indésirable, l'individu développe un désir «d'aller mieux», et se tourne donc vers des technicien·nes médicalaux, suivant aveuglément les instructions qu'on lui donne dans l'espoir d'aller mieux.
c) La théorie foucaldienne : autorité, pouvoir, histoire,
gouvernementalité
L'analyse que fait Foucault de la psychiatrie, et son exposé qui en découle au sujet du grand pouvoir que l'on a accordé à l'institution psychiatrique et aux disciplines psy, au point qu'elles ont le monopole sur la définition de la «normalité», est cruciale pour les études critiques de la psychiatrie (Foucault 1965, 2006). Deux autres concepts foucaldiens et les outils pratiques et théoriques qui en découlent seront utilisés dans cet essai généalogique. Premièrement, c'est l'importance dans la construction d'une «histoire du présent», la méthode généalogique, du fait de prendre conscience des accomplissements historiques et discursifs qui ont originairement donné leur sens aux mots et aux concepts que nous tenons maintenant pour acquis (Foucault 1977b). La méthode généalogique révèle inévitablement des modèles de discours, d'institutions, et de pratiques dans des sociétés temporellement distinctes, menant souvent à la conclusion controversée voulant que la société n'a pas «évolué» avec le temps, mais est largement restée la même, en déclinant simplement les mêmes idées et valeurs dans un nouveau langage en fonction de l'époque (Wodak et Meyer 2001). Les institutions auxquelles on accorde du pouvoir peuvent changer, mais très souvent, leurs projets de régulation restent les mêmes (Foucault 1977a).
Deuxièmement, la «gouvernementalité», est essentielle dans l'examen de la régulation sociale et morale de n'importe quel sous-groupe de la population dans les sociétés modernes et postmodernes (Castel 1991). La gouvernementalité décrit la condition sociale dans laquelle un·e individu de la société se gouverne volontairement ellui-même, et où le gouvernement centralisé n'a plus besoin de prendre des mesures coercitives pour assurer l'obéissance des citoyen·nes. Une multiplicité d'institutions supposées indépendantes, objectives et bénévoles prennent en charge cette tâche en favorisant la discipline de soi et la docilité. La gouvernance de nos mentalités a lieu alors que nos esprits et nos idées sont forgées par l'école, les hôpitaux, les prisons, etc., et bien entendu, l'institution psychiatrique (Foucault 1978). Les techniques d' «auto-diagnostic» par lesquelles des individus peuvent «découvrir» la source de leur mécontentement dans leur propre comportement, pensées et sentiments «pathologiques», initiant leur propre participation à la psychiatrie, peuvent être considérées comme un exemple frappant du phénomène de gouvernementalité.
d) L'"effet de boucle" de Hacking
Une fois inclut dans le DSM et après avoir atteint le statut de catégorie de maladie officielle, un diagnostic suit son propre chemin, et pas forcément celui qui a été prévu ou voulu par ses développeuseurs originel·les. Ian Hacking désigne ce phénomène comme un «effet de boucle» (Hacking 1999). Il explique qu'il y a une différence fondamentale entre la classification des objets ou «entités indifférentes», et celle des êtres humain·es ou «entités interactives». Alors que les premières ne présentent pas de modifications essentielles quelles que soient les classifications qui leur sont attribuées, les humain·es réagissent immédiatement au fait d'être classifié·es, altérant leur comportement dans des façons qui ne peuvent être anticipées. Leurs réactions découlent de leurs croyances concernant leur nouvelle classification, ainsi que du traitement qu'iels reçoivent de l'«utilisatriceur» de cette classification – à la fois des professionnel·les et des profanes. Tandis que leur comportement change, le savoir qui correspond et qui forme la base de la classification change en réponse, ce qui produit encore de nouveaux comportements, et ainsi de suite (Murphy 2001:145).
La classification d'un·e seul·e individu suffit pour qu'iel ne soit plus identique aux individus étudié·es pour créer la classification. La théorie «experte» et l'opinion profane interagissent et se modifient mutuellement (Sparti 2001:334). Ainsi, tandis que chaque «nouvelle découverte» vantée par la psychiatrie et ajoutée à de nouvelles éditions du DSM sous la forme d'une nouvelle entité diagnostic semble refléter une accumulation de savoir, l'observation experte de caractéristiques particulières provient forcément d'une compréhension profane d'à quoi ressemble «ce genre de chose» (Murphy 2001:157). Les troubles de la personnalité reflètent non seulement le jugement «expert», mais les réactions qu'ils ont suscitées lors de leur utilisation, parmi les individus pathologisé·es, leurs relations, et au sein de la culture et du discours populaire. Les stéréotypes, la stigmatisation, et le rejet social ne sont pas seulement déclenchés par les diagnostics psychiatriques, mais avec le temps leurs effets en viennent à définir les diagnostics, validant et perpétuant un système répressif et un environnement oppressif pour les femmes déviantes diagnostiquées comme souffrant d'un trouble de la personnalité, et pour tou·tes les êtres humain·es qui sont désigné·es comme mentalement malades par un psychiatre.
e) Néo-libéralisme : l'année 1980
L'année 1980 – année de la publication du DSM III, avec son cadre diagnostic «révolutionnaire» – marqua le début de nouvelles politiques sociales et économiques, et d'un fort renouveau de l'idéologie néo-libérale. Avec l'élection de Ronald Reagan aux États-Unis, Margaret Thatcher aux Royaume-Uni, et Brian Mulrouney au Canada, les programmes sociaux furent remplacés par le dogme du «libre marché» omniscient, selon ce que Reagan vantait comme vertus d'un système où la richesse ruissellerait simplement vers le bas – avec la privatisation croissante de l'industrie anciennement régulée par le gouvernement, les riches deviendraient plus riche, et par conséquent les classes moyennes et populaires, d'une façon ou d'une autre, le deviendraient aussi.
Le climat économique et idéologique du «laissez-faire» étaient accompagnées par des changements dans les relations sociales et les valeurs. Les cultures relativement collectivistes et les sous-cultures des années 60 et 70 furent remplacées par une emphase totale sur l'individu, qui était en définitive la/le seul·e responsable de son propre parcours – financier, social, et mental. La nouvelle hyper-responsabilisation de l'individu a donné lieu à des changements institutionnels qui restent intacts aujourd'hui, et qui accommodent la gouvernementalité en promouvant la régulation de soi. Dans le champs de la psychiatrie, le DSM III a marqué une rupture quasi totale avec les racines psychanalytiques de la discipline, qui visaient à examiner longuement le contexte d'une vie individuelle, passant plutôt à une focalisation essentiellement sur la pathologie individuelle. Le nouveau manuel a permis un diagnostic rapide et facile, via une série de listes à cocher et soulignant des «symptômes», leurs causes étant situées dans la psyché du/de la patient·e, mettant ainsi de côté les conditions environnementales et sociales. De nouvelles demandes d'efficacité ont changé la relation patient·e-thérapeute d'un côté, mais ont aussi conduit au phénomène de l'individu·e recherchant volontairement et avidement à trouver une quelconque pathologie chez ellui, qui une fois traitée, pouvait conduire à augmenter l'efficacité de quelqu'un·e et par conséquent menait à la réussite en tant qu'être humain·e. La mode cultuelle de l'auto-diagnostic avait commencé, et ses premières consommatrices allaient être les femmes.
3. Les troubles : borderline, dépendante, histrionique
Trull et Widiger, simplifiant la conceptualisation verbeuse du DSM, définissent les troubles de la personnalité comme des «manifestations pathologiques de traits de personnalité normaux» (Trull et Widiger 2003:149). C'est le privilège de l'institution psy que de déterminer lorsqu'un «trait de personnalité normal» a en quelque sorte franchi une ligne et est entré dans le domaine de la «pathologie». Le DSM utilise le descriptif vague et hautement interprétatif de «inapproprié et intense» pour les critères des trois troubles de la personnalité connus pour être «féminins» (AAP 1980, 1994). Ainsi, il en suit logiquement que les traits féminins «normaux» – malgré le fait contradictoire que les chercheuseurs psy soutiennent que les «traits de la personnalité» définissent fondamentalement les qualités et les caractéristiques uniques qui forment le caractère distinct d'un·e individu – peuvent être exprimés dans une situation ou d'une façon «inappropriée», ou peuvent devenir trop «intenses». Ce dernier qualificatif incroyablement ambigu pourrait potentiellement entraîner un nombre infini de scénarios «problématiques», arbitrairement classés comme tel en fonction des jugements rapides d'un psychiatre : est-ce que l'expression extrême de ces traits poussent la/le patient·e au devant des dangers que la société associe avec l'«anormalité»? ; est-ce que leur intensité mène à une conduite «immorale»? ; est-ce que les manifestations intenses neutralisent d'autres caractéristiques, plus appropriées, de la personnalité de quelqu'un·e? Est-ce qu'elles commencent à avoir une influence négative sur la vie de quelqu'un·e, ou peut-être une influence positive que le médecin juge autrement?; sont-elles en train de causer une gêne pour les autres, ou de susciter des regards étrangers désapprobateurs?; est-ce qu'elles entraînent une communication bruyante, au point d'être embarrassante, d'idées socialement subversives? ; est-ce qu'elles amènent quelqu'un·e à crier, pleurer, ou hurler de joie en public?
La définition même d'un TP confère aux médecins, aux psychologues universitaires, et aux psychologues libéraux non accrédité·es un monopole légitime concernant la détermination de qui est «anormal·e», de qui sera officiellement catégorisé·e de la sorte, et de qui aurait besoin que ses qualités distinctes et uniques ne soient «réadaptées». Les anormalités de la personnalité féminine semblent être tellement uniformes et prévisibles qu'elles sont presque toujours causées par une ou plus parmi trois maladies mentales. Si une femme, en raison de la personnalité qui la rend distincte de tout autre être humain·e, ne parvient pas à se conformer aux règles concernant la féminité acceptable socialement, elle doit alors se conformer à l'une des listes de symptômes du DSM. La conformité est évidemment incontournable.
Chacun des troubles de la personnalité diagnostiqués presque toujours chez les femmes – le TPH, le TPB, et le TPD (O’Donohue et al. 2007) – peuvent sembler être des caricatures de certaines femmes mythiques du passé et du présent, et sont même présentés de cette façon, comme nous allons bientôt le voir. Quand ils sont combinés, leurs critères constituent un continuum de comportement féminin acceptable – il n'est pas surprenant que chacun de ces troubles soient comorbides entre eux, mais pas avec d'autres TP.
Comme le TPB est devenu le trouble de la personnalité le plus fréquemment diagnostiqué, il est le sujet de beaucoup plus de recherches, et de zèle, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'institution psychiatrique. Cependant, ces trois troubles doivent être examinés comme un ensemble, puisqu'ils ont influencé entre eux leurs critères, et ensemble ils révèlent davantage concernant la régulation des femmes, et les rôles à la fois mouvants et stables qui sont attendus des femmes. Les critères officiels pour les trois troubles peuvent être trouvés dans les Appendices A, B, et C. Les processus conduisant à leur cristallisation en 1980 démontrent également les différentes façons par lesquelles l'institution psychiatrique utilise le langage pour légitimer ses affirmations.
Le trouble le plus couramment diagnostiqué, culturellement reconnu, et de plus en plus controversé, le TPB, a été développé à partir de concepts très différents de ceux qui le définissent aujourd'hui. Le terme «borderline» [en anglais « borderline » est synonyme de «frontière», et peut également se trouver traduit par «état limite» en français] a été employé pour la première fois par Adolf Stern en 1938 pour décrire des patient·es qui étaient plus malades que des «névrosé·es», mais pas aussi malades que des «psychotiques» (Shaw and Proctor 2005:486). La «limite» en question était celle entre l'agitation et la schizophrénie, et «borderline» devint effectivement un terme populaire pour faire référence à des patient·es qui semblaient présenter une forme plus «légère» de schizophrénie – le comportement genré n'étant pas significatif sous cet usage du terme «borderline». L'expression devint assez contagieuse, et fut bientôt également utilisée couramment par des membres de la communauté psychiatrique pour se référer à une variété de conditions, jusqu'au milieu des années 70, lorsque Kernberg, un psychiatre très influent et membre du conseil de l'AAP, décida de redéfinir «borderline» comme un syndrome plus spécifique. Le définissant comme «un niveau de désorganisation de la personnalité caractéristique de la forme la plus grave de pathologie du caractère», «l'organisation de la personnalité borderline», affectant principalement les femmes, était caractérisée par une construction faible du moi, de l'anxiété menant à l'impulsivité, de l'instabilité émotionnelle, des perversions sexuelles, et l'utilisation de mécanismes de défense primaires tels que le «clivage du moi» – percevant les autres comme entièrement bon ou entièrement mauvais, sans «zone grise» (Zanarini 2005:9). Sa cause principale était le «maternage inadéquat», soulageant les hommes de toute responsabilité et pathologisant doublement les femmes. Dans ce cas, un langage familier aux clinicien·nes a été utilisé pour décrire un trouble nouvellement conceptualisé.
Le TPB est maintenant le plus courant diagnostic de TP, et sa prévalence augmente en comparaison à des diagnostics qui ne sont pas des TP (Shaw et Proctor 2005:483).
En définissant le TPH, plutôt que d'utiliser un ancien terme pour façonner un nouveau trouble, un nouveau terme a été utilisé pour faire référence à un ancien trouble. Ces deux techniques sont couramment utilisées pour répandre une légitimité scientifique, détournant l'attention des bases scientifiques très floues des TP comme celles des autres troubles du DSM. Des classifications aux consonances scientifiques créées par la puissante et fiable institution psychiatrique, précédemment inconnues du public, sont acceptées aveuglement, puisque les gens présument que leurs créateurices ont un savoir supérieur concernant le corps et l'esprit humain, et que les non-scientifiques ne peuvent comprendre de telles complexités ni la terminologie utilisée pour les décrire. Le public a confiance et foi en la médecine et ses «expert·es». Comme à chaque publication du DSM, une masse de nouveau troubles émergent, des troubles anciens qui étaient tombés en désuétude apparaissent souvent refaçonnés, déguisés par l'utilisation d'un nouveau langage (Cermele et al. 2001). Un exemple frappant et plus connu de ce processus est celui d'une autre condition réservée aux femmes, dont le nom est passé de «syndrome prémenstruel» dans le DSM-III, à «trouble dysphorique prémenstruel» dans le DSM-IV (AAP 1968, 1980, 1994).
Une recherche récente sur le TPH, qui anticipait la sortie du DSM-IV en 2012, réalisée par les psychologues Baglov, Fowler, et Lilienfeld introduisait le trouble en offrant un stéréotype particulièrement éhonté pour conceptualiser la condition, demandant à ce que l'on «considère la nature de personnages superficiellement dramatiques, manipulateurices, et en demande d'attention constante tels que Blanche DuBois dans la pièce de Tennessee William «Un tramway nommé désir» » (Blagov et al. 2007:203). Cette utilisation de personnages fictionnels comme cas «d'école» pour les trois TP se révèle être un motif pour examiner la littérature clinique. Sous couvert maintenant d'un langage plus «scientifique», le TPH est simplement un nouveau nom pour le trouble anciennement appelé «hystérie».
Tandis que l'hystérie était originairement liée à la faiblesse féminine provenant du sexe biologique, couplée à des problèmes physiologiques avec les organes reproductifs, Freud et d'autres psychanalystes ont considéré ses causes comme dérivées du phénomène psychique de l'«envie de pénis» et de l'«angoisse de castration» (e.g., Freud et Breuer 1895). Ces deux conceptions citent les mêmes causes – l'hystérie est une maladie résultant essentiellement du fait de ne pas être un homme – pathologisant la féminité en elle-même (Didi-Huberman 2004). Le DSM-I incluait une condition appelée «hystérie», tandis que le DSM-II adoptait le terme de «personnalité hystérique», la déplaçant vers la catégorie de trouble fondés sur la personnalité. Dans le DSM-III le mot hystérique est laissé tombé et «histrionique» est adopté, dérivé du latin «histrio» signifiant «acteur/actrice», dénotant la même théâtralité dramatique attribué à l'hystérie, mais sans le bagage de l'ancien terme (Blagov et al. 2007:206-207).
Les critères originaires du DSM-III (AAP 1980) pour le TPH se chevauchent nettement avec ceux du TPB, incluant une «crise ou explosion de colère irrationnelles» et une «propension aux tentatives de suicide manipulatrices». Le DSM-III-R (AAP 1983) a éliminé ces similarités, assignant la colère et la manipulation exclusivement au TPB, et ajoutant au TPH la «séduction inappropriée» et le «discours impressionniste». Une proposition faite pour anticiper le DSM-V, qui n'est pas encore «empiriquement» testée, réside dans l'inclusion de la «pseudo-hypersexualité», impliquant que les individus souffrant de TPH, tout acteurices qu'iels sont, «jouent» la sexualité manifeste, tout en évitant une réelle intimité et restant sexuellement insatisfait·es (Blagov et al. 214). Si cela était inclus dans le DSM-V, cela entraînerait un retour en arrière vers les premières notions d'hystérie, enracinées dans des conceptions sur les femmes sexuellement insatisfaites, et qui pendant un temps étaient traitées par un médecin en appliquant un objet vibrant dans les parties intimes des femmes. La pathologisation de la sexualité féminine a été un dispositif clé dans la régulation des femmes, utilisée bien avant que la psychiatrie n'existe. Cette problématique sera explorée en détail dans le prochain chapitre.
Bien que la dépendance pathologique a été décrite dans le DSM-I, influencée par le concept de Freud de «fixation orale» et ses conséquences, on lui a conféré le statut de trouble de la personnalité au moment de la publication du DSM-III, qui la définit en utilisant trois grands symptômes, particulièrement vagues même pour la rhétorique classique du DSM : 1) passivité dans les relations interpersonnelles, 2) volonté de subordonner ses besoins à ceux des autres, et 3) manque de confiance en soi. Le DSM-III-R a inclus des critères bien plus détaillés, qui ont été reportés textuellement dans le DSM-IV (voir l'appendice C). Comme le TPD est le moins diagnostiqué de ces trois troubles, ces critères n'ont pas été sujets au même nombre de recherches que les deux autres.
Deux «modèles» psychologiques prédominant et influant du TPD résident dans le «modèle cognitif» et le «modèle comportemental et d'apprentissage social». Le premier décrit ses causes comme étant un monologue interne pathologique dans lequel des «affirmations de soi négatives» mènent à un cercle vicieux, renforçant et amplifiant des sentiments d'impuissance. Le second attribue la responsabilité à la/au principal administratriceur de soins durant le bas âge et la petite enfance – mettant le plus souvent l'accent sur le rôle de la mère – qui aurait favorisé le comportement dépendant, et donc causé un comportement dépendant dans d'autres relations interpersonnelles plus tard dans la vie, par anticipation consciente ou inconsciente d'une réponse positive similaire (Bornstein 2007:310).
Bornstein, le psychiatre en chef travaillant sur la révision des critères du TPD pour le DSM-V, a proposé cette série d'amendements : 1) références explicites aux processus «cognitifs» précédemment mentionnés qui produisent la pathologie, 2) le retrait des symptômes trois et quatre, et 3) leur remplacement par deux symptômes qu'il croit être plus empiriquement valides – «utilise une variété de stratégie de présentation de soi (ex : flatterie, supplication, exemplification, promotion de soi) pour obtenir et maintenir des relations aidantes et enrichissantes» et «focalise ses efforts dans la consolidation d'une relation avec la personne la plus susceptible d'être en mesure d'offrir de l'aide et du soutien sur le long terme» (Bornestein 2007:317). S'ils sont adoptés, il semblerait que les magasines féminins qui ont créé les tests de personnalité pourraient alors être tenus responsables de la production en masse de symptômes du TPD chez leur lectorat.
Un des concepts les plus cités dans le champs des études des femmes et du genre, mentionné plus tôt comme étant un cadre théorique important, est la socialisation différentielle des enfants mâles et femelles. Alors que les garçons sont encouragés par les agents de socialisation primaire et secondaire à être indépendants, sont moins aidés lorsqu'ils apprennent de nouvelles tâches, et sont moins réconfortés lorsqu'ils pleurent ou sont frustrés, les filles sont plus dorlotées, plus aidées, plus encouragées à dépendre sur d'autres pour les besoins émotionnels, physiques, et psychiques, ce qui leur apprend en dernière instance à être, dans un certain degré, dépendantes. Ainsi, il n'est pas surprenant que la plupart des individus que les psychiatres jugent comme étant entré·es dans le domaine de la dépendance «pathologique», soient des femmes.
Un certain nombre d'études (e.g. Cross et al. 2000, Padilla 1995, Trull et Widiger 2003), conduites depuis la publication du DSM-III, démontrent la nature intrinsèquement liée à la culture et au genre des troubles de la personnalité, ainsi que leurs fondements nettement non-scientifiques. Trois écueils illustrés par ces études présentent un défi à la validité de ces catégories de maladies que sont le TPB, le TPH, et le TPD : 1) le problème de comorbidité entre ces trois troubles, 2) leurs relations avec d'autres troubles de la personnalité qui sont associés plus fréquemment aux hommes, et 3) leur taux très différents d'apparition dans les pays qui ne sont pas d'Amérique du Nord, où d'autres traits personnels sont valorisés culturellement.
La comorbidité, la co-occurence statistiquement significative d'un trouble avec un autre est plus une règle qu'une exception dans le DSM, et à la suite de son argumentaire des critères de chaque troubles, on trouve une liste des autres troubles qui l'accompagnent fréquemment. Un certain nombre d'études conduites dans les années 1980 démontraient une comorbidité significative entre les trois troubles de la personnalité «féminins». De plus, menant au DSM-III, les projets concernant l'étiologie du TPH incluaient la notion que la condition était caractérisée par la dépendance. Évidemment, cette idée fut retirée de la publication pour réduire le chevauchement entre le TPH et TPD. Ce changement, comme beaucoup dans le DSM, a été fondé non pas sur la moindre scientificité, mais était une question de commodité pour ces auteurices, donnant à leur cadre une apparence plus concise et moins complexe que la vérité ne le voudrait. Il y a toujours beaucoup de débats dans ce domaine concernant la possibilité que la «dépendance» puissent mettre en évidence un TPH, et soit ce qui motive le comportement manifesté dans sa symptomatologie (ibid). Il n'est pas surprenant que l'édition actuelle du DSM classifie ces trois troubles comme comorbides les uns vis-à-vis des autres.
Bien que nous ne les examinions pas en détail dans ce document, d'autres troubles de la personnalité sont diagnostiqués beaucoup plus souvent chez les hommes, l'exemple le plus extrême étant le trouble de la personnalité antisociale (TPA). Des biais de sexe dans les diagnostics de TPH et TPA se sont révélés être étonnement significatifs dans une étude menée par Ford et Widiger (1989). Les chercheuseurs ont obtenu une série de dossiers de patient·es diagnostiqué·es d'un TPA, d'un TPH, ou bien de caractéristiques mitigées, et où le sexe de chaque patient·es était «féminin», «masculin», ou «non spécifié». Lorsqu'un cas était compatible avec les caractéristiques du TPA, il était diagnostiqué beaucoup plus fréquemment chez les hommes (42%) et chez les genres non spécifiés (48%) que chez les femmes (15%), qui recevaient à la place un diagnostic de TPH (46%). Lorsque des antécédents de TPH étaient soulevés, il était diagnostiqué à un taux extrêmement haut chez les femmes (76%), à un plus faible taux chez les genres non spécifiés (68%), et au plus bas chez les hommes (44%). De telles découvertes ont amenées quelques «expert·es» à proposer de concevoir le TPA et le TPH comme les formes genrées de la même condition (Baglov et al. 216). En effet, les deux se caractérisent principalement par un profond besoin d'être remarqué·e par les autres, mais selon le DSM leurs buts diffèrent – le but de l'individu qui a un TPH est la connexion émotionnelle avec les autres, alors que sa/son homologue qui a un TPA recherche des bénéfices matériels et professionnels. Ces motivations respectives peuvent être vues comme un reflet fidèle des rôles de genre traditionnels.
Les critiques de toutes les dix catégories de TP du DSM, efficacement réduites au silence par l'hydre de la psychiatrie dominante, incluent des universitaires tels que Gove et Tudor (Gove et Tudor 1977), qui soutiennent que toutes ces catégories ne font que décrire un comportement qui n'est pas conforme aux normes sociales, ainsi que regrouper les dissident·es dans des catégories par genre (Becker 1997:39). La catégorie uniformément «masculine» de TPA est aussi comparée avec le TPB. Comme dans le cas du TPH, de nombreux critères de chaque troubles décrivent presque la même conduite ; répertoriés sous la catégorie de TPA il y a la manipulation et la fausseté, l'impulsivité, et l’agressivité – le mot «colère», souligné dans la définition du TPB, est curieusement absent de la description du trouble évidemment «masculin». Encore une fois, les deux troubles diffèrent par rapport aux conséquences sociales énoncées. Le TPB est exclusivement décrit par rapport au fait qu'il mène à l'instabilité dans les relations et l'image de soi, alors que le TPA est considéré comme menant à une incapacité à honorer le travail et les obligations financières, et à un «mépris pour la sécurité du moi (et des autres)» (AAP 1994). Les normes sociales auxquelles il faut adhérer en priorité sur la base de son genre sont rendues très claires.
La pathologisation et la médicalisation spécifique de la «colère» des femmes, telle qu'elle est opposée à l'«agressivité» des hommes ; demande une enquête plus approfondie. Chacun de ces trois troubles de la personnalité se focalisent sur un certain type d'«émotivité» pathologique des femmes. Le TPH pathologise largement l'«émotivité exagérée et théâtrale», le TPD pathologise «le caractère craintif et l'impuissance», et le TPB est considéré responsable de la pathologisation de la «colère» des femmes, qu'elle soit «inappropriée», «intense», ou «difficile à contrôler».
Dans le savoir populaire, celui auquel Hacking attribue une grande influence dans la constante redéfinition des catégories diagnostiques, la caractéristique la plus reconnue de la femme «borderline» est la colère, souvent familièrement appelée la «rage borderline». Le mot «rage» est inquiétant, impliquant une irruption de colère qui a été retenue, avant de finalement explosé (Wirth-Cauchon 2001:169). La société encourage les femmes à supprimer la colère – crier n'est pas digne d'une femme et les cris d'une femme sont toujours «hystériques» – ainsi, la plupart des expressions de colère des femmes peuvent être classifiées comme de la «rage». Les universitaires féministes qui examinent la psychiatrie ont pris en compte le thème de la pathologisation de la colère des femmes, qui pour la plupart provient de leur position subordonnée dans un système patriarcal. Les termes «inappropriée» et «intense» rendent la colère des femmes irrationnelle et la dépolitise, la rendant «folle». Becker nomme le TPB comme un «accomplissement rhétorique» qui dépeint la colère des femmes comme une «force écrasante et irrationnelle» qui nécessite une intervention et un contrôle (Becker 1997:121).
Ironie du sort, dans la plupart des recherches disciplinaires, la colère est reconnue comme une force positive qui peut être canalisée vers des activités productives. Pourtant, la même discipline dit aux femmes que leur colère est irrationnelle, primaire, destructive, et doit être étouffée. Dans ce double standard, la peur manifeste que la colère canalisée des femmes puissent représenter une menace à la solidité de l'ordre patriarcal actuel devient palpable. En dépeignant la juste colère des femmes comme insensée, sa légitimité est rejetée. La colère d'une femme face aux attentes de passivité et de soumission, dirigée vers les hommes (comme le père, le mari, ou le psychiatre), indique qu'il y a quelque chose «qui ne tourne pas rond chez elle». Pour être une femme adulte «normale», il faut être satisfaite de sa position subordonnée, ou au moins sembler l'être.
Enfin, d'autres données provenant d'études réalisées au cours des deux dernières décennies évoquent la nature culturellement marquée des troubles de la personnalité. Bien qu'une étude suffisamment large n'ait pas été menée, des auteurices tels que Johnson (Johnson 1993) et Padilla (Padilla 1995) font l'hypothèse à partir d'un échantillon plus petit que le TPH est moins fréquemment diagnostiqué dans les pays asiatiques, et d'autres cultures qui découragent la sexualité manifeste, mais plus souvent dans des pays hispaniques et d'Amérique latine où une sexualité plus ouverte est la norme (ref – 213). Tandis que des cultures isolées géographiquement sont généralement les sujets de ces études, on pourrait aussi considérer les changements qui ont lieu dans une même culture à travers le temps, comme ceux de l'Amérique du Nord et du Royaume-Uni pendant le début des années 80, y compris, mais pas exclusivement, ceux étant dus aux réformes néo-libérales. Ainsi, on pourrait en déduire que le TPH existe dans notre contexte Nord-Américain au moins en partie en tant que résultat de caractéristiques de cette culture – qui est consumériste, et qui demande dans une certaine mesure ces comportements chez les femmes. Il est indéniable que les médias, des magasines féminins jusqu'aux publicités pour les «films de filles» populaires, indiquent d'emblée aux femmes de consacrer beaucoup de temps et d’énergie à perfectionner leur apparence physique (critère 4), à suivre certaines mœurs pour la séduction des intérêts romantiques des hommes (critère 2), et d'attendre de l'intimité et l'engagement d'un partenaire après une courte période de séduction (critère 8). Une nouvelle conceptualisation du TPH mise en avant par Westen et Shedler en 1999 suggère même d'inclure le nouveau critère de «fantasme de trouver l'amour idéal et parfait» (Westen et Shedler cité par Blagov et al. 2007) – un idéal qui est indéniablement perpétué ad nauseam par les médias destinés aux femmes.
Les expert·es psy qui souscrivent à la «perspective de l'attachement» concernant les troubles mentaux proposent que le TPH est compatible avec un «style d'attachement inquiet», dans lequel quelqu'un·e maintient un modèle mental positif des autres mais un modèle négatif du moi. Encore une fois, l'idéal féminin standard dépeint assez obsessivement dans les médias peut produire cet effet. Aucune étude n'a examiné cette corrélation.
Depuis que le TPB est devenu aussi incontournable, l'ensemble des études concernant cette condition spécifique incluent non seulement celles qui ont été conduites au sein de la psychiatrie dominante, mais aussi quelques-unes réalisées par des chercheuseurs féministes critiques, qui ont employé un certain nombre de méthodes de recherche différentes. Le travail de Wirth-Cauchon, la recherche la plus largement reconnue dans le thème des études féministes sur le TPB, analyse les commentaires des thérapeutes et de leurs client·es d'un point de vue féministe et post-moderne (Ross 151). Cermele et. al. ont soumis le recueil de cas cliniques du DSM à une analyse de contenu qui a révélé des différences consistantes dans le langage utilisé pour décrire des patient·es femmes ou hommes, reflétant souvent des conceptions oppressive de la féminité. Quelques projets académiques quantitatifs utilisant des questionnaires ont aussi été menés. Sprock et Morey et al. ont interrogé à la fois des hommes et des femmes, leur demandant d'évaluer les critères, secrètement tirés des critères des TP du DSM, sur certaines bases relatives au genre. Aucune étude n'a révélé de différences significatives entre les réponses des hommes et des femmes, et les deux chercheurs en ont conclu que les critères de TP du DSM n'étaient pas tous biaisés par rapport aux hommes et femmes (Morey et. al.). Cependant, les deux études ont négligé certains facteurs importants : les effets des caractéristiques de la demande dans les questions, la nature intrinsèquement genrée des critères eux-mêmes, le système patriarcal plus large dans lequel existent à la fois les hommes et les femmes et dans lequel les femmes pathologisent leur propre comportement, et la possibilité de la pathologisation différentielle de caractéristiques de la part du diagnostiqueur lorsqu'elles sont présentées par différents sexes. Ainsi, une recherche plus intensive, critique, et substantielle est absolument nécessaire.
Le concept de l'«effet de boucle» de Hacking est démontré dans la définition et redéfinition de tous les troubles de la personnalité, puisque les caractéristiques et les conduites des individus diagnostiqué·es sont observées, et deviennent ensuite les bases pour la révision des critères du DSM. Le savoir populaire sur les troubles, spécialement celui concernant le TPB puisqu'il est devenu si célèbre, influence le comportement des femmes diagnostiquées, et suscite un traitement particulier venant des autres – à la fois des profanes et des experts – qui à son tour a également un effet sur la conduite de la personne, initiant le cycle que décrit Hacking. Ce processus sera examiné en détail dans la section cinq, qui examine le rôle de la culture et le discours populaire dans les avancements des troubles de la personnalité. Cependant, tout d'abord nous examinerons l'histoire de l'oppression des femmes qui sous-tend ces troubles, en accord avec l'argument foucaldien qui veut que l'histoire est cruciale si l'on doit comprendre le présent.
[les Annexes, la bibliographie et les notes de l'autrice n'ont pas été traduites.]
DSM-IV Criteria for Borderline Personality Disorder
“a pervasive pattern of instability of interpersonal relationships, self-image and affects, as well as marked impulsivity, beginning by early adulthood and present in a variety of contexts A DSM diagnosis of BPD requires any five out of nine listed criteria to be present for a significant period of time”:
- Frantic efforts to avoid real or imagined abandonment. [Not including suicidal or self-mutilating behavior covered in Criterion 5]
- A pattern of unstable and intense interpersonal relationships characterized by alternating between extremes of idealization and devaluation.
- Identity disturbance: markedly and persistently unstable self-image or sense of self.
- Impulsivity in at least two areas that are potentially self-damaging (e.g., promiscuous sex, eating disorders, binge eating, substance abuse, reckless driving). [Again, not including suicidal or self-mutilating behavior covered in Criterion 5]
- Recurrent suicidal behavior, gestures, threats, or self-mutilating behavior such as cutting, interfering with the healing of scars (excoriation) or picking at oneself.
- Affective instability due to a marked reactivity of mood (e.g., intense episodic dysphoria, irritability, or anxiety usually lasting a few hours and only rarely more than a few days).
- Chronic feelings of emptiness, worthlessness.
- Inappropriate anger or difficulty controlling anger (e.g., frequent displays of temper, constant anger, recurrent physical fights).
- Transient, stress-related paranoid ideation, delusions or severe dissociative symptoms
Appendix B
DSM-IV Criteria for Histrionic Personality Disorder
“a pervasive pattern of excessive emotionality and attention seeking, beginning by early adulthood and present in a variety of contexts, as indicated by five (or more) of the following”:
- Is uncomfortable in situations in which he or she is not the center of attention
- Interaction with others is often characterized by inappropriate sexually seductive or provocative behaviour
- Displays rapidly shifting and shallow expression of emotions
- Consistently uses physical appearance to draw attention to self
- Has a style of speech that is excessively impressionistic and lacking in detail
- Shows self-dramatization, theatricality, and exaggerated expression of emotion
- Is suggestible, i.e., easily influenced by others or circumstances
- Considers relationships to be more intimate than they actually are.
Appendix C
DSM-IV Criteria for Dependent Personality Disorder
“a pervasive and excessive need to be taken care of that leads to submissive and clinging behavior and fears of separation, beginning by early adulthood and present in a variety of contexts, as indicated by five (or more) of the following”:
- Has difficulty making everyday decisions without an excessive amount of advice and reassurance from others
- Needs others to assume responsibility for most major areas of his or her life
- Has difficulty expressing disagreement with others because of fear of loss of support or approval (this does not include realistic fears of retribution)
- Has difficulty initiating projects or doing things on his or her own (because of a lack of self-confidence in judgment or abilities rather than a lack of motivation or energy)
- Goes to excessive lengths to obtain nurturance and support from others, to the point of volunteering to do things that are unpleasant
- Feels uncomfortable or helpless when alone because of exaggerated fears of being unable to care for himself or herself
- Urgently seeks another relationship as a source of care and support when a close relationship ends
- Is unrealistically preoccupied with fears of being left to take care of himself or herself
Appendix D:
A Sample of “Handout” Literature and Worksheets, and “Homework Sheets” from Linehan’s Skills Training Manual for Treating Borderline Personality Disorder, with examples from all four of the “modules” covered in the course of therapy: “Core Mindfulness”, “Distress Tolerance”, “Emotion Regulation”, and “Interpersonal Effectiveness” (Linehan 1993)
Appendix E: Google Search Results and Statistics
Search term: “personality disorders help”
Link: http://www.google.com/search?client=safari&rls=enus&q=personality+disorders+help&ie=UTF-8&oe=UTF-8
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Sites Devoted to Personality Disorders in General: 14
Sites Devoted to Borderline Personality Disorder: 14
Sites Devoted to “Cluster B” Personality Disorders: 1
Sites Devoted Other Personality Disorders: 1 (Narcissistic)
Site Hosts by Type
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[1] Western culture, and most extremely American culture, which will be discussed in detail in chapter four when examining the case of rhetoric regarding “good versus evil”, is infused with binary logic. The term “binary”, conceptualized by Derrida (Derrida 1978:194), refers to a rhetorical accomplishment achieved by defining two concepts in terms of their opposition to one another, effectively constraining thought and discourse by failing to acknowledge that conditions that defy the binary exist.
[2] In his conceptualization of genealogy, among other projects, Foucault makes the distinction of not defining “power” or “control” as inherently “good” or “bad”, but examines who possesses power, how they use it, and what the results are (see Elden 2006, Foucault 1977a).
[3] The meaning of this adjective, “hysterical”, when it came into common usage in the seventeenth century, is quite ambiguous; a better understanding of it would require extensive archival research and a rigorous examination of remaining texts from that period.
[4] Interestingly, frequent masturbation, as well as the enjoyment of the act, was yet another behaviour that was attributed to hysteria by psychoanalysts (see Freud 1905).
[5] Psychocentrism refers to a culture characterized by an obsession with the self – as the locus of all one’s woes, but also the sole vehicle by which the individual may realize his ideal life and achieve “contentment”. Psychocentrism is an asset to governers in neo-liberal societies, as it creates self-regulating citizens. The government does not have to expend as many resources to mould people into model citizens, as people do this voluntarily, based largely on the “expertise” offered by members of the psy-establishment (Rimke 2000:73).
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Traduit de l'anglais. Cette traduction est participative et D.I.Y., toute personne peut proposer des améliorations, cette version est donc en permanence susceptible d'être modifiée.
http://www.practiceofmadness.com/crazy-psychiatric-discourse-dsm-personality-disorders-social-regulation-subversive-women/