Femmes et folie: étude des raisons pour lesquelles les femmes sont plus souvent étiquetées comme folles

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Femmes et folie: étude des raisons pour lesquelles les femmes sont plus souvent étiquetées comme folles

Ce texte passe en revue les principales théories issues de diverses disciplines concernant le lien entre femmes et folie. Il ne faut donc pas y chercher un approfondissement de telles ou telles théories, mais plutôt un point de départ synthétique qui permet de mieux s'y retrouver face aux multiples axes de réflexions qu'il est possible de creuser.

Bonne lecture, et un très bon 8 Mars à touTEs!

 

★★★
 

Morag Fallows


Résumé

 

Cet essai s'intéresse aux femmes et à la folie, plus particulièrement aux raisons pour lesquelles les femmes sont plus souvent étiquetées comme folles que les hommes, tant par des personnes profanes qu'à travers un diagnostic de trouble mental courant1.

Une perspective féministe critique est adoptée pour analyser la littérature disponible sur le sujet, issue de diverses disciplines. Les discussions concernant cette question semblent généralement se diviser en deux catégories. La première considère la folie des femmes comme un produit de la société résultant de la nature préjudiciable des normes rigides de genre qui demandent aux femmes de jongler avec de nombreux rôles simultanément, tels que celui de la mère, la femme au foyer, la personne qui prend soin des autres et qui souvent ramène des revenus à la famille. L'ensemble de ces facteurs peut en soi rendre une femme folle en raison de la pression constante subie pour accomplir divers rôles et tâches et du stress qui en résulte. La deuxième explication découle d'une perspective constructiviste sociale, qui examine les inégalités structurelles auxquelles sont confrontées les femmes dans la société. Cela inclut l'inégalité salariale, les statistiques qui révèlent que les femmes sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté et sont plus souvent victimes d'abus sexuels et de violence familiale, ce qui les expose à un risque accru de développer une maladie mentale.

L'essai se termine en suggérant la pertinence actuelle du travail des chercheuses féministes pour contribuer à une meilleure compréhension de la santé mentale des femmes, qui a fait défaut pendant si longtemps.


 

UN

Introduction


Tout au long de l'histoire, les femmes ont été dénigrées, diagnostiquées, étiquetées, stigmatisées, placées en institution, leur comportement a été pathologisé et elles ont même été brûlées sur le bûcher, tout cela au nom de la folie.

Dans la même veine que les travaux de Jane Ussher sur les femmes et la folie (2011), cet essai ne vise pas à analyser la folie dans le sens stigmatisant d'un·e "autre". Le présent travail considère la folie comme un phénomène vécu par de nombreuses femmes, que ce soit des suites d'un diagnostic de trouble mental courant ou du fait d'avoir été étiquetée comme folle par une personne profane. Cette étude examine l'évolution de la folie vers ce que nous appelons aujourd'hui la maladie mentale, en mettant l'accent sur la nature problématique du terme maladie mentale, notamment ses racines issues du modèle biomédical. Le raisonnement qui sous-tend la décision d'utiliser les termes folle et folie au lieu de celui de maladie mentale dans cet essai est directement lié au commentaire d'Ussher selon lequel l'utilisation du terme folie nous rappelle la présence des normes sociales et du jugement subjectif qui sont au centre des diagnostics des troubles de l'esprit (2011:4).

Cet article adopte une perspective féministe critique en faisant valoir la nécessité d'un débat permanent autour des liens entre femmes et folie, en commençant par un examen des récentes représentations culturelles populaires de ce lien. Par la suite, les différentes définitions du sexe/genre sont prises en compte avant de souligner les raisons de l'adoption des définitions du genre et du sexe fournies par Oakley (1972).

 

Une série de statistiques provenant de sources variées sont ensuite présentées, ainsi qu'une discussion de la notion de diagnostic genré. La représentation des femmes chez qui on diagnostique un trouble mental courant sera ensuite examinée par rapport à celle des hommes, qui reçoivent plus souvent un diagnostic d'alcoolisme, de toxicomanie ou de trouble du comportement antisocial.

Par la suite, une discussion sur la folie est présentée, retraçant la médicalisation du terme et sa transformation en ce que nous appelons aujourd'hui la santé mentale/maladie mentale. Le discours péjoratif qui entoure les termes folie et maladie mentale est pris en considération et ses effets néfastes sont soulignés. Enfin, les théories sur les liens entre femmes et folie compris comme une construction sociale et/ou une production sociale sont présentées et discutées.

Le contexte historique du lien entre femmes et folie est ensuite examiné. Dans cette partie, l'étiologie du concept est tracée et évaluée avant de passer en revue l'association culturelle existant de longue date entre la folie/maladie mentale et la féminité qui a encore un impact sur la société et la façon dont nous envisageons les femmes ayant un diagnostic psychiatrique de nos jours.

Ensuite, la nature préjudiciable des normes binaires de genre pour les hommes et les femmes est prise en compte. Cette section s'articule autour de l'argument illustré par la dichotomie "Catch 22"2 de Chesler (1972). Cela désigne l'exigence faite par la société pour qu'une femme se conforme aux rôles féminins (qui sont intrinsèquement liés à la folie) et le désir d'une femme de se libérer de ces normes binaires, aboutissant à ce qu'une femme soit considérée comme folle qu'elle se conforme ou non aux rôles de genre féminins. Les travaux plus récents de Williams (2005) sont examinés en parallèle, en étudiant la pertinence actuelle des arguments.

Nous donnons ensuite un aperçu des inégalités structurelles que connaissent les femmes aujourd'hui, en soulignant la nature patriarcale de la société d'aujourd'hui et l'impact préjudiciable que cela a sur la probabilité que les femmes présentent des maladies mentales. Par la suite, l'émergence de la psychiatrie au sein d'une société de nature patriarcale est examinée en relation avec les conceptions des femmes présentant des maladies mentales relevant de cette discipline. L'absence écrasante de femmes dans ce domaine, qui a perduré jusqu'à une date relativement récente, est prise en considération parallèlement à la mise en place du modèle médical dans les domaines de la psychiatrie et des soins de santé mentale, avec une attention particulière aux écueils de ce modèle lorsqu'il est appliqué à ce champ. Les théories de Foucault sur le discours et la psychiatrie comme méthode de contrôle social (1973) sont également examinées dans cette partie, tout comme les études menées par Broverman et coll. (1970, 1972) qui examinent les conceptions des psychiatres au sujet de ce que signifie être une "femme saine".

Enfin, une perspective féministe critique concernant le thème du présent essai est examinée plus en profondeur, en soulignant les principales caractéristiques de cette école de pensée ainsi que ses critiques. Il est essentiel d'adopter une perspective féministe, car toute discussion concernant les femmes peut être considérée comme une question féministe et une grande partie de la documentation contribuant à ce domaine d'étude provient de femmes qui s'identifient en tant que chercheuses féministes. Il est clair qu'historiquement, les femmes ont été absentes d'une grande partie des premières théories développées autour de la folie des femmes, il est donc d'autant plus pertinent que cette perspective soit sérieusement prise en compte.

En résumé, cette étude examine deux explications principales des raisons pour lesquelles les femmes sont couramment étiquetées comme folles, la première considère la folie des femmes comme un produit de la société résultant de la nature préjudiciable des normes de genre rigides qui demandent aux femmes de jongler avec de nombreux rôles simultanément comme celui de la mère, de la femme au foyer, de la personne qui prend soin des autres et qui souvent ramène des revenus à la famille. La combinaison de ces facteurs peut avoir un impact négatif sur l'état mental d'une femme en raison de la pression et du stress constants qu'elle subit pour accomplir diverses tâches et jouer divers rôles tout en ayant toujours l'air heureuse. La deuxième explication provient d'une perspective constructiviste sociale, prenant en compte les inégalités structurelles auxquelles les femmes sont confrontées et qui les exposent à un risque accru de développer une maladie mentale. Le document se termine en suggérant la pertinence actuelle du travail des chercheuses féministes pour contribuer à une meilleure compréhension de la santé mentale des femmes.


 

Qu'en est-il des hommes et de la folie?

Le genre et la santé mentale ont été étudiés en profondeur par des universitaires de diverses disciplines. Dans le domaine de la sociologie en particulier, l'écrasant intérêt porté sur les femmes et la santé mentale est évident (Prior et Campling, 1999, p. 118). Certain·es affirment que cela aurait pu influer sur le discours qui entoure les femmes et la maladie mentale (Rogers et Pilgrim, 2010). Ces dernières années, on a observé une augmentation de la littérature qui se concentre sur les liens entre hommes/masculinité et santé mentale/maladie mentale (Galdas et coll., 2005, Johnson et coll., 2012, Ridge et coll., 2011, Spandler et coll., 2013).

Il est admis qu'en raison de la nature de la société de l'époque, jusqu'aux années 1970, il y avait une absence évidente de femmes dans le domaine de la psychiatrie, donc la majorité de la recherche et des écrits sur le sujet de la santé mentale provenait d'une perspective masculine qui bien souvent pathologisait les femmes, leurs corps et leurs expériences. L'abondance des recherches féministes sur les femmes et la folie qui sont apparues dans les années 1970 et 1980 peut être considérée comme une réaction à cela.

Bien qu'il soit reconnu que les expériences des hommes en matière de folie/santé mentale/maladie mentale sont aussi réelles et valides que celles des femmes, le présent essai se concentre sur les liens qui ont été et continuent d'être établis entre les femmes/la féminité et la folie. Comme nous le verrons plus loin, les femmes ont historiquement été soumises aux liens établis entre la féminité et la folie, plus tard appelée maladie mentale. Il est évident que ce lien se perpétue aujourd'hui au sein de la profession médicale et imprègne la société en général, ce qui fait qu'il est banal que les femmes soient considérées comme folles. Cet étiquetage peut être considéré comme problématique à plusieurs égards. Le présent essai cherche à comprendre pourquoi les femmes sont étiquetées comme folles, c'est pourquoi la discussion portera sur celles qui s'identifient comme femme plutôt que comme homme.


 

Femmes et folie: représentations culturelles

On peut considérer que les représentations culturelles de la femme et de la folie imprègnent la société. Au cours de l'explosion de la consommation de drogues récréatives des années 1960, l'opinion populaire de l'époque voulait que les hommes, qui étaient considérés comme forts, rationnels et maîtres d'eux-mêmes, consommaient des drogues afin de s'ouvrir l'esprit. En revanche, les femmes étaient considérées comme faibles, irrationnelles et gouvernées par leurs hormones. Metzl (2003, p. 240) remarque que le valium est devenu le traitement de choix pour faire face aux pressions des nombreuses formes de féminité essentialisée, comme le fait d'être une mère. À cette époque, les médicaments psychopharmacologiques comme le diazépam, communément appelé valium, étaient couramment utilisés dans le traitement de l'anxiété et de la dépression, particulièrement chez les femmes. Des médicaments comme celui-ci étaient à la fois populaires et critiqués en raison de l'idée que de tels traitements étaient, comme l'indique la chanson du même nom des Rolling Stones: des "mothers little helper" [de petites aides pour les mères] (Jagger et Richards, 1966). La chanson suggère que les femmes (en particulier les femmes au foyer) dépendaient de ces médicaments pour fonctionner et évoque aussi la facilité avec laquelle les femmes pouvaient se les procurer auprès de leurs généralistes.

Les représentations culturelles des liens entre les femmes et la folie ont perduré jusqu'à nos jours. L'utilisation courante de l'expression argotique "bitches be crazy" [en français on dirait plutôt «les meufs sont folles»] au sujet d'une femme qui agit d'une manière perçue comme inacceptable en est un exemple. Cette phrase, qui indique que toutes les femmes sont folles, est problématique à deux égards. Tout d'abord, l'utilisation du mot «bitch» [«salope»] pour décrire une femme donne une connotation désobligeante. Il faut reconnaître que des progrès ont été réalisés par certaines femmes pour se réapproprier le terme "salope", comme le souligne la tribune de la cofondatrice de Bitch Magazine (Zeisler, 2007). Zeisler (2007) admet toutefois que le mot est encore perçu de façon négative en raison de la peur et du dégoût culturel pour les femmes fortes. Le terme "folle" est également problématique, car il permet de dénigrer les réactions émotionnelles des femmes, ce qui peut être observé dans l'étiquetage régulier des femmes comme "folles", "trop sensibles" et "hystériques", à l'opposé des hommes sensés et rationnels. L'utilisation de cette expression légitime et alimente l'obsession du public et de la presse pour les célébrités féminines en proie à des crises émotionnelles.

Un certain nombre de célébrités féminines "instables", dont Linsey Lohan, Britney Spears et Amy Winehouse, ont reçu énormément d'attention de la part des médias, qui se focalisent sur leur comportement sous emprise d'alcool ou de drogues et sur leurs "crises publiques". Holmes et Negra (2008:15) soulignent l'engouement la société pour les "récits de déchéance", où le comportement de plus en plus erratique des célébrités est scruté en même temps que la détérioration de leur vie, ce qui fonctionne comme une forme de divertissement. Il convient de noter que cette obsession a tendance à se concentrer sur les célébrités féminines plutôt que masculines. Par exemple, le musicien Pete Doherty, qui, bien qu'il soit bien connu pour sa consommation régulière de drogues, continue de jouir d'une carrière réussie. Des exemples similaires peuvent être trouvés dans les groupes de rock aux leaders masculins, comme les Beatles, Guns N'Roses et Nirvana, les membres de ces groupes étaient généralement perçus comme ayant un style de vie hédoniste et branché qui se résumait par ''sexe, drogue et rock'n'roll'. En revanche, lorsqu'une femme comme Courtney Love ou Britney Spears est présentée comme ayant un style de vie similaire, elle est perçue comme "incontrôlable", "folle" et, en définitive, "pas féminine", puisqu'elle défie les règles du genre féminin. Williamson (2010) suggère l'idée qu'il existe une obsession particulière pour les crises émotionnelles des célébrités féminines, plutôt que masculines. On pourrait dire que les vedettes féminines sont généralement considérées comme plus divertissantes par les médias, confrontées aux critiques constantes sur leur poids, ce qu'elles portent et leur âge, ce qui est moins évident chez les hommes. Il est admis que cela n'est pas uniquement problématique pour les femmes sur le devant de la scène, mais que cela résonne chez toutes les femmes, agissant comme un rappel des inégalités existantes à travers les représentations culturelles.



Le genre

Avant les années 1960, les conceptions du sexe étaient fondées sur la pensée scientifique et médicale, les définitions du sexe étant considérées comme entièrement biologiques. L'intervention féministe des années 1960 dans ce domaine d'étude donna lieu à une augmentation des travaux sur le concept de genre. Les hypothèses biologiques sur la différence sexuée dite "naturelle" furent remises en question et l'accent fut porté sur les implications et les effets sociaux et culturels de la différence biologique.

Le genre est ancré dans les principales organisations sociales de la société, telles que les politiques publiques, la famille, la médecine et les systèmes juridiques, il affecte donc la manière dont les femmes et les hommes de tous les groupes sociaux sont traité·es dans tous les domaines de la vie (Lorber et Moore, 2002). Toute analyse de la santé et de la maladie en tant que phénomènes sociaux doit donc tenir compte du genre. Le genre est un terme très contesté et, bien qu'il soit largement utilisé par de nombreuseux chercheuseurs, de diverses façons, un point commun à toutes les définitions est que le genre peut être considéré comme transversal (Morris et Nott, 2002). L'ouvrage majeur d'Ann Oakley, Sex, Gender and Society est considéré comme le premier à se pencher directement sur la notion de genre. Ici, elle différencie le sexe et le genre, en écrivant:


Le "sexe" est un mot qui fait référence aux différences biologiques entre les hommes et les femmes: la différence visible au niveau des organes génitaux, la différence correspondante dans la fonction procréatrice. Le "genre" est cependant une question de culture: il se réfère à la classification sociale en "masculin" et "féminin". (Oakley, 1972:16)

 

Les définitions d'Oakley (1972) du sexe comme fait biologique et corporel, et du genre comme fait social et culturel, indiquant la manière dont la masculinité et la féminité sont produites, résonnent encore aujourd'hui dans la littérature, particulièrement celle d'orientation féministe. Bien que cette idée de la binarité genre/sexe inspire une grande partie de la pensée des théoriciennes féministes et des chercheuseurs en sciences sociales, elle n'est pas sans poser problème. Des travaux récents sur l'intersexualité et la transidentité remettent en question l'idée que le sexe puisse être considéré comme une donnée naturelle et considèrent que le sexe est aussi une construction sociale, tout comme le genre (Butler, 1997).

Pour les besoins de cet exposé, les définitions du sexe et du genre d'Ann Oakley (1972) seront adoptées. Bien que nous reconnaissions les problèmes que pose cette définition, compte tenu du fait que le présent essai porte uniquement sur les femmes et la folie, cette définition peut toutefois être considérée comme appropriée. Le concept de genre plutôt que de sexe est utile dans ce contexte puisqu'il nous permet de considérer la masculinité et la féminité comme étant historiquement et culturellement variables plutôt que fixes par nature. De plus, il permet également de comprendre comment les présupposés sur son caractère naturel s'infiltrent continuellement dans la pensée et structurent la vie quotidienne des hommes et des femmes.

 


Diagnostics genrés

 

La croyance selon laquelle les femmes ont une moins bonne santé mentale que leurs homologues masculins a persisté pendant la majeure partie du XXe siècle, notion illustrée par des études montrant des niveaux plus élevés d'anxiété et de dépression chez les femmes que chez les hommes (Rieker et Bird, 2000). Cela dit, la publication de l'epidemiologic catchment area study (Robins et Regier, 1991) a remis en question l'idée que les femmes auraient une moins bonne santé mentale que les hommes en examinant la prévalence d'un plus large éventail de maladies mentales comparé aux précédentes publications de ce type. Les autres maladies prises en compte incluaient l'abus de substances et les comportements antisociaux. Il est dès lors largement admis que les femmes et les hommes ont des profils de santé mentale distincts.

D'autres études menées sur le genre et la santé mentale concluent généralement que, chez les femmes, les taux de troubles affectifs tels que l'anxiété et la dépression sont plus élevés, les femmes étant entre 1,5 et 2,5 fois plus susceptibles de souffrir de dépression (McDowell et al., 2004). Par contre, chez les hommes, les troubles du comportement comme l'abus de substance et la personnalité antisociale sont plus fréquents (Aneshensel et al., 1991, Kessler et coll., 2005, Seedat et coll., 2009, Needham et Hill, 2010).

Bien qu'il soit clair, d'après des études récentes, que les femmes et les hommes rencontrent des problèmes de santé mentale différents, il est quelque peu problématique d'en conclure qu'iels présentent des taux comparables de maladie mentale. C'est une idée soutenue par Hill et Needham (2013) qui soulignent que les inégalités entre les sexes en santé mentale ont été observées par les professionnel·les de santé ainsi que les chercheuseurs au cours des quatre derniers siècles.

Cet essai examine les raisons pour lesquelles un plus grand nombre de femmes que d'hommes reçoivent officiellement un diagnostic de trouble mental courant, et sont donc surreprésentées dans le domaine de la santé mentale. Il examine également pourquoi la santé mentale des femmes est fréquemment pathologisée et pourquoi, plus largement, les femmes sont souvent étiquetées comme folles par la population générale.

Cette discussion sera centrée sur les notions d'inégalité entre les sexes qui ont été considérées comme particulièrement importantes en termes de santé mentale. Cela est illustré par des auteurices comme Kane (1991) qui affirme que les femmes de toutes classes sociales sont plus susceptibles de consulter leur médecin généraliste que les hommes, de plus, on leur prescrit plus souvent des médicaments que les hommes, ce qui conduit à une surreprésentation de la perception des femmes comme folles. Il est actuellement manifeste que le nombre de femmes utilisant les services de santé mentale et la psychiatrie au Royaume-Uni reste élevé (DOH, 2013). C'est ce qu'illustre le rapport de l'Inspection des services sociaux (Watson, 2001) qui souligne que, malgré le fait qu'un plus grand nombre d'hommes que de femmes aient fait l'objet d'une évaluation de santé mentale par des travailleurs et travailleuses sociales, ce sont les femmes qui étaient le plus souvent enfermées en vertu de la Loi de santé mentale de 1983.

De plus, le tableau de la figure 1 (ci-dessous) tiré de l'Enquête sur la morbidité psychiatrique chez les adultes (2007) montre que chez les adultes qui ont répondu aux critères diagnostics d'au moins un trouble mental courant au cours de la semaine précédant l'entrevue, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d'avoir un trouble mental courant, les taux pour les femmes étant supérieurs à ceux des hommes dans toutes les catégories de troubles mentaux courants.


Fig 1: Prévalence d'un trouble mental courant au cours de la semaine écoulée: par sexe et trouble mental courant
 


(ONS, 2011:28)

 

Ceci est également illustré par les statistiques récentes présentées à la figure 2 (ci-dessous) issues d'une étude sur la mesure du bien-être national réalisée par l'ONS (2013b). Dans le cadre de cette recherche, on a utilisé le questionnaire sur l'état de santé général, qui comprend 12 questions axées sur les sentiments récents d'une personne, où un score élevé est considéré comme indiquant que le ou la répondante souffre d'une maladie mentale légère ou modérée. Les résultats de cette étude indiquent que, dans chaque groupe d'âge, un niveau plus élevé de femmes que d'hommes présentent des signes d'anxiété et de dépression, les deux étant considérés comme faisant partie de la catégorie des troubles affectifs et émotionnels.

Fig 2: Répondant·es présentant des signes d'anxiété et de dépression

 


(ONS, 2013b)

 

Parmi les statistiques disponibles à ce sujet, l'étude la plus récente et la plus complète sur la santé mentale communautaire est l'analyse des données de l'Enquête nationale sur la comorbidité de Kessler et coll. (2005), qui conclut que dans l'ensemble, les hommes et les femmes connaissent des taux égaux de maladie mentale. L'analyse de cette étude révèle que sur les 297 troubles qui figuraient dans le DSM-IV au moment de la rédaction du rapport, seulement 19 ont été inclus. L'interprétation des résultats et la conclusion sont contestées par Bird et Rieker (2008) ainsi que Rosenfield et Smith (2010) qui indiquent que la conclusion selon laquelle les hommes et les femmes souffriraient en quantité égale de maladies mentales peut être considérée comme un jugement hâtif, si l'on s'en tient aux données de ce rapport, puisque l'étude la plus exhaustive actuellement disponible exclut plus de 90% des problèmes de santé mentale identifiés dans le DSM-IV.



Folie

 

Au Royaume-Uni, le terme "santé mentale" est largement accepté et utilisé dans les discussions sur les services de santé mentale et les expériences qui en sont faites. Les définitions de la santé mentale sont souvent vagues et, lorsqu'on les emploie, c'est souvent le contraire dont il est question: la maladie mentale (Pilgrim et Rogers, 1997). La nécessité de rendre cela explicite met en lumière les limites qui existent dans les discussions au sujet du bien être et de la bonne santé mentale (Alldred et coll., 2001).

Bondi et Burman (2001) affirment que les notions de santé mentale et de services de santé mentale sont souvent étroitement associées aux notions de pathologie, ce qui fait que le terme est utilisé de façon interchangeable avec celui de maladie mentale, au lieu que les deux ne soient considérés comme des opposés standards. Par conséquent, "ce qui est considéré comme la "santé mentale" "normale", typique ou acceptable reste indéterminé et entouré de mystère et de présupposés". (Bondi et Burman, 2001:7).

Le terme " maladie mentale " reflète la domination médicale dans ce domaine, établie aux XIXe et XXe siècles (Busfield, 2011). On pourrait soutenir que le discours négatif qui entoure la "maladie mentale" peut être considéré comme le résultat de son association avec le modèle médical. En s'appuyant sur Freidson (1970) qui a identifié l'affection [disease] comme un état biologique et la maladie [illness] comme un état social, on pourrait affirmer que la médecine joue un rôle important dans les processus sociaux qui régissent le fait d'être malade. De plus, la façon dont le modèle médical aborde les troubles mentaux, c'est-à-dire comme des maladies, a un effet d'altérisation des personnes catégorisées comme malades mentales.

En sociologie, deux approches clés de la maladie mentale apparaissent, la première étant que la maladie mentale peut être considérée comme une construction sociale, la seconde mettant davantage l'accent sur le rôle des facteurs sociaux en jeu dans la production de la maladie mentale (Kohen, 2000).

L'idée de la maladie mentale en tant que construction sociale est principalement associée au mouvement antipsychiatrique, qui s'est développé en réponse au rôle dominant du modèle biomédical, à l'idée que la psychiatrie peut être considérée comme fondamentalement coercitive et à la reconnaissance croissante de l'importance des facteurs sociaux (Kohen, 2000).

Szasz (1960), parmi d'autres sociologues critiques, a souligné que la folie/maladie mentale est étiquetée en tant que comportement perçu comme inacceptable par la société et peut donc être considérée comme une construction sociale. De plus, il a affirmé que l'étiquette de maladie mentale n'est qu'une façon de décrire ce que l'on pourrait considérer comme des difficultés à vivre. (Szasz, 1960).

On peut y voir des liens avec la théorie de l'étiquetage, qui identifie le processus d'étiquetage ou de diagnostic de la maladie mentale comme une tentative de persuader les individus d'accepter l'identité déviante qui leur a été associée (Kohen, 2000). Scheff (1966) identifie une cause importante de maladie mentale comme étant l'étiquetage (Scheff, 1966). Il postule que le comportement humain qui présente des symptômes de maladie mentale et qui est donc étiqueté par la société en tant que telle est considéré comme une forme de déviance. En outre, il décrit la réaction de la société à cette déviance ou à la violation des "règles résiduelles" comme la cause la plus importante de ce qu'il appelle la "déviance résiduelle" (Scheff, 1966:93).

On pourrait soutenir que la psychiatrie cherche à persuader les gens d'accepter un rôle de malade mental. Les diagnostics de nombreuses maladies mentales peuvent s'avérer stigmatisants pour un individu, ces états peuvent souvent conduire les gens à se sentir inférieur·es ou à être jugé·es socialement inacceptables. En définitive, ce stigmate lié à l'étiquetage ou au diagnostic de maladie mentale peut régir la façon dont les autres peuvent percevoir et, par conséquent, traiter un individu dans l'ensemble de la société (Kohen, 2000).

Busfield (1988) présente une critique de l'argument théorique avancé par Scheff (1966) en affirmant que la définition des règles résiduelles présentée est imprécise étant donné que peu d'attention est accordée à la formulation de cette idée. De plus, Schur (1971) ajoute que l'on accorde trop d'importance à la réaction des sociétés, ce qui est considéré comme déterministe.

D'un point de vue de construction sociale, la maladie mentale est considérée comme un rôle social. La maladie est localisée dans le système et non dans l'individu. Par conséquent, en ce qui concerne les femmes et la santé mentale, une approche constructiviste sociale souligne le rôle du sexisme dans la psychiatrie comme étant la raison pour laquelle il existe des différences de genre en santé mentale (Borch-Jacobsen, 2009).

C'est important, car il est clair qu'une mauvaise santé ne se limite pas à une simple affection, du point de vue du constructivisme social, on pourrait soutenir qu'elle résulte de la convergence de nombreux facteurs, notamment l'environnement social et culturel, la race, la classe et le sexe, pour n'en citer que quelques-uns.

En acceptant l'omniprésence du processus d'oppression sociale, on fournit un contexte pour la compréhension de la déviance (Becker, 1963), des stéréotypes et des discriminations (Billig, 1985, Pickering, 2001). Les inégalités de pouvoir sont renforcées par et donne naissance au processus d'étiquetage, de stigmatisation et, en définitive, d'altérisation des personnes considérées comme "différentes". Comme l'affirme Tew (2005), cela pourrait être considéré comme un mécanisme clé par lequel le pouvoir oppressif est imposé dans les sociétés actuelles. En illustrant ce point, il cite l'exemple d'une personne malade mentale qui parle aux voix qu'elle entend, dans ce cas, le comportement de la personne, bien qu'inoffensif, est considéré par l'ensemble de la société comme étant différent et est souvent qualifié par des termes négatifs (Tew 2005). Appliquée à cette situation, la perspective de la théorie de la déviance montre à quel point l'application d'une étiquette (de "timbré·e", "dingue", "taré·e", "fou/folle", "schizophrène") peut finalement définir un individu à travers à la fois les discours profanes et professionnels. À tel point que d'autres comportements, pensées et croyances exprimés par l'individu peuvent être considérés comme une preuve supplémentaire/un symptôme de l'étiquette qui leur est assignée (Goffman, 1961).

En ce qui concerne les femmes, des termes désobligeants et dissuasifs tels que "folle", "mauvaise", "faible", "malade" et "dingue" ont été attribués à celles dont les comportements ou les choix sexuels et les modes de vie ne semblent pas correspondre aux attentes vis-à-vis des femmes ou de la féminité (Unger, 1988).

L'idée que la maladie mentale est une production sociale est devenue de plus en plus populaire depuis les années 1970. Cette perspective considère que la cause principale de la maladie mentale relève des facteurs sociaux, en plus de mettre l'accent sur l'intersection de la santé mentale avec le statut socioéconomique, l'origine ethnique, la structure familiale et l'emploi rémunéré (Kohen, 2000).

Contrairement à la perspective de la construction sociale, la notion de production sociale met l'accent sur le sexisme dans la société et sur la façon dont il génère la maladie mentale. Par conséquent, de ce point de vue, on pourrait soutenir que le désavantage social affecte la santé mentale en général, mais que certains facteurs de vulnérabilité affectent plus souvent les femmes que les hommes. Cela est mis en évidence par le lien qui a été établi entre le fait de vivre dans la pauvreté et le fait d'être plus susceptibles d'être en mauvaise santé et que statistiquement, les femmes sont plus nombreuses à vivre dans la pauvreté que les hommes (Popay et coll., 1993, Brown et Harris, 1978). Dès lors qu'un plus grand nombre de femmes vivent dans la pauvreté, elles courent un plus grand risque de tomber malades.

 


Deux
Femmes et folie: perspective historique

 

Avant de commencer cette discussion, il est important de comprendre que l'idée selon laquelle la folie ou la maladie mentale serait innée chez les femmes remonte à la civilisation antique. La façon dont les différences biologiques entre les femmes et les hommes ont été socialement construites de manière à marginaliser, réguler et opprimer les femmes doit être comprise afin d'apprécier la situation actuelle des femmes (Morris et Nott, 2002).

L'étiologie du concept sera retracée et évaluée avant d'examiner si l'association culturelle de longue date entre la folie, la maladie mentale et la féminité a toujours un impact sur la société et sur la façon dont nous percevons les femmes ayant un diagnostic psychiatrique aujourd'hui.

L'idée que la folie est innée chez les femmes a été admise par un grand nombre de cultures différentes, le comportement considéré comme fou étant "attribué à différentes causes dont la divinité, la passion et l'alcool" (Kohen, 2000:1). Le plus ancien document médical égyptien connu, le papyrus Ebers (1600 av. J.-C.) fait référence au terme hystérie, indiquant qu'à cette époque il était communément admis que la cause de l'hystérie était un mouvement utérin spontané qui pouvait être corrigé par des traitements thérapeutiques (Sigerist, 1951).

Les Grecs de l'Antiquité concluaient à un lien entre la féminité et la folie, en suggérant que la cause de la folie d'une femme était l'absence d'une vie sexuelle normale, comme en témoigne le Timée de Platon dans lequel il affirme que lorsque l'utérus ne se joint pas à un homme il est triste (Simon, 1978). Parallèlement, Aristote et le médecin grec Hippocrate (Tasca et coll., 2012) appuient ce point de vue. Hippocrate (IVe siècle av. J.-C.) est considéré comme le premier des Grecs de l'Antiquité à utiliser le terme hystérie, décrivant la folie chez les femmes comme étant directement liée à l'"hystéron" qui vient du grec utérus ou en termes profanes "ventre" (Kohen, 2000). Par conséquent, le terme "hystérie" est considéré comme le premier trouble mental répertorié spécifiquement associé aux femmes (Taska et coll., 2012). Hippocrate postule en outre que le corps d'une femme est froid et humide, contrairement à celui d'un homme qui est sec et chaud, suggérant que c'est la raison pour laquelle l'utérus a tendance à tomber malade (King, 2002).

L'idée d'Hippocrate selon laquelle les femmes étaient plus vulnérables au dysfonctionnement et à la faiblesse mentale en raison de leur ventre a prévalu pendant des siècles (Kohen, 2000). Les points de vue sur les femmes et la folie au Moyen Âge s'inspirent largement de la pensée d'Hippocrate et de ses idées sur l'hystérie (Shugaar et al., 2002). La conception d'Aristote de la supériorité masculine nourrissait l'opinion générale de l'époque, à savoir que les femmes étaient théologiquement et physiquement inférieures, une idée qui est soulignée dans la Somme Théologique (1265-1274) de saint Thomas d'Aquin. On affirme que cela pourrait être considéré comme l'origine d'une "croisée misogyne à la fin du Moyen Âge" (Tasca et coll., 2012:112).

De plus, à partir du XIIIe siècle, un lien apparaît entre la folie, les femmes et le diable, puisque la cause de l'hystérie est considérée être une présence démoniaque, les femmes "hystériques" étant traitées par exorcisme (Spanos, 1978). Le Malleus Maleficarum (Le marteau des sorcières) publié en 1487 décrit les crimes maléfiques des sorcières et les spéculations légitimées à l'époque sur le comportement des femmes (Ussher, 1991). Tasca et coll. (2012) soutiennent que les descriptions faites dans ce livre des femmes dépressives ont contribué à la torture et à la mort subséquentes de milliers de femmes.

Pendant la période victorienne, la sexualité féminine, le corps féminin et la déviance étaient au centre de l'association entre folie et féminité (Ussher, 1991). L'ère victorienne a marqué un changement indéniable dans la façon dont les femmes ayant des problèmes de santé mentale étaient perçues, puisqu'un lien solide entre la pathologie et la féminité a été établi et que la folie est devenue un synonyme de la condition féminine. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, le développement du cerveau a fait l'objet d'une attention croissante (Busfield et Campling, 1996), la profession médicale émergente a alors rebaptisé la folie "maladie mentale" et la maladie mentale a été inscrite dans le discours scientifique. Au cours du XIXe siècle, la prédominance des "femmes folles" parmi les asiles des comtés, les foyers de travail, les patient·es du privé et les admissions en hôpitaux devient évidente (Parry-Jones, 1971). Showalter (1987) soutient que la raison de la forte augmentation de l'idée d'un lien entre maladie mentale et féminité était une volonté d'engendrer un contrôle sur les femmes.

Le mouvement psychanalytique à Vienne dans les années 1930 a été initié par le psychiatre Sigmund Freud. Les conceptions de Freud sur la sexualité et la psychologie des femmes sont résumées dans trois essais: Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes (1925), Sur la sexualité féminine (1932) et La féminité (1933). Freud soutenait que les femmes éprouveraient des sentiments d'infériorité ou de haine d'elles-mêmes à cause de ce qu'il appelait "l'envie du pénis" qui viendrait de la déficience anatomique ou "castration" des femmes. Il postule qu'une femme serait confrontée à trois voies potentielles en termes de développement psychique: la compétition avec les hommes associée à une possible homosexualité, la peur et l'inhibition de la sexualité ou bien le transfert de son affection de la mère vers le père. Les théories de Freud sur la sexualité et la psychologie féminines étaient donc entièrement fondées sur la différence entre une femme et un homme (Showalter, 1987). L'analyste allemande Karen Horney a fermement remis en question la psychanalyse freudienne et ses théories sur les femmes, décrivant la psychanalyse comme un domaine dominé par les hommes qui a conduit à "la création d'un génie masculin" dans lequel les femmes n'étaient prise en compte que du point de vue des hommes (Horney, 1926).

Comme nous l'avons déjà mentionné, une nouvelle vision du lien entre les femmes et la folie a émergé avec le mouvement antipsychiatrique des années 1960, ce mouvement est souvent étroitement associé au travail du psychiatre écossais R. D Laing. L'antipsychiatrie était une attaque contre la psychiatrie, la psychochirurgie, les électrochocs et la nature hiérarchique de la relation médecin-patient·e (Cooper, 1978). Selon l'antipsychiatrie, la maladie mentale devrait être examinée en fonction de contextes sociaux tels que la famille et la psychiatrie elle-même (Laing et Esterson, 1970). Le mouvement antipsychiatrique est également associé aux travaux de l'auteur américain Erving Goffman (1961), L'histoire de la folie de Michel Foucault (1961) et Le mythe de la maladie mentale de Thomas Szasz (1960) qui soutient l'hypothèse que la maladie mentale peut être considérée comme socialement construite.

On considère que l'antipsychiatrie a offert une nouvelle façon de conceptualiser la relation entre la féminité et la santé mentale à travers la théorie de l'étiquetage qui considère le lien entre féminité et santé mentale comme relevant d'une violation des attentes des rôles sexuels (Showalter, 1987). Dans L'équilibre mental, la folie et la famille, Laing et Esterson (1970) concluent que la schizophrénie des femmes est le résultat de leur expérience d'oppression et de répression à l'intérieur de la famille. La schizophrénie peut légitimement être considérée comme une forme de protestation contre le rôle de la femme.

Bien que l'antipsychiatrie ait été un mouvement qui a enfin fourni une perspective sur le lien entre les femmes et la santé mentale qui ne fasse pas porter la responsabilité du diagnostic psychiatrique sur la femme elle-même, la théorie antipsychiatrique et laingienne a été remise en question d'un point de vue féministe. En effet, s'il est reconnu que le mouvement antipsychiatrique a fourni une perspective féminine, celui-ci était encore dominé par les hommes (Showalter, 1987), tout comme la théorie freudienne qui l'a précédé. Il est toutefois admis que Laing et ses collègues antipsychiatres ont jeté les bases sur lesquelles la théorie féministe s'appuiera au cours des décennies suivantes. Dans la société contemporaine, le mouvement antipsychiatrique n'est pas considéré comme ayant eu beaucoup d'influence, sinon la moindre, comme le note Tantam (1991) dans l'histoire de la psychiatrie, le mouvement étant considéré comme une phase transitoire.

Chesler (1972) suggère que le genre est ancré dans les concepts construisant la folie, son étude a ouvert la voie à une abondante littérature féministe qui a abordé le thème de la santé mentale des femmes dans les années 1970 et 1980. Le travail de Chesler (1972) s'est fondé sur la folie en tant qu'étiquette et forme de contrôle social (en s'appuyant sur l'antipsychiatrie), elle utilise aussi la notion de fonctionnalisme structurel pour analyser les échecs dans la performance des rôles (rôles sexuels, maladies et troubles).

 

À sa suite, pléthore d'autrices féministes ont réexaminé le thème de la santé mentale des femmes en se penchant sur les mentalités des 18e et 19e siècles (Showalter, 1987), (Ussher, 1991), (Russell, 1995). Bien que cela ait fait l'objet de critiques estimant que les mentalités ont changé, Showalter (1985) n'est toujours pas convaincue que le lien entre les femmes et la santé mentale se soit affaibli. Elle l'illustre en affirmant:

Dans la littérature et l'art modernes, la femme schizophrène représente l'aliénation et la fragmentation de l'époque. En psychiatrie médicale... les femmes semblent être les principales victimes des électrochocs, de la psychochirurgie et des médicaments psychotropes" (Showalter, 1987:19).


De même, Ussher (2011) en accord avec ces idées, affirme que la tristesse des femmes est souvent interprétée à tort comme une maladie mentale, plutôt que comme une réponse raisonnable aux vies contraignantes et répressives qu'elles mènent (Ussher, 2011). On peut donc considérer que les théories du lien entre femmes et folie ont une longue histoire qui remonte à l'Antiquité et sont encore très apparentes dans la manière dont les femmes sont caractérisées aujourd'hui comme étant folles ou malades mentales.
 

 

Les normes binaires de genre sont préjudiciables

 

La nature des normes binaires de genre qui sont imposées aux hommes et aux femmes par la société est problématique pour les femmes en matière de santé mentale. De ce point de vue, les femmes sont souvent considérées comme malades parce qu'elles refusent de se conformer ou de performer la féminité d'une manière qui soit socialement acceptable, ce qui est alors perçu comme une pathologie. À la lumière de cet argument, toute femme qui ne se conforme pas aux conceptions socialement acceptées de féminité est pathologisée, ce qui pourrait inclure, de façon générale, les femmes transgenres, les femmes lesbiennes, les femmes handicapées/déficientes. Plus spécifiquement, cela peut également s'étendre aux femmes qui ne souhaitent pas être mères, aux femmes qui ne s'épilent pas, aux femmes qui ne se conforment pas visuellement à l'apparence d'une femme conventionnelle. En examinant plus en profondeur certains de ces comportements, on peut raisonnablement soutenir qu'une femme qui affiche des comportements ou des inclinaisons considérés comme typiquement masculins est susceptible d'être perçue sous un jour négatif.

Si une femme parle ouvertement de ses conquêtes sexuelles, elle peut être étiquetée comme étant une "salope" et être perçue négativement (ce qui est problématique en soi), cependant, il est considéré comme socialement plus acceptable pour un homme de parler de ses conquêtes sexuelles, cela peut être accueilli par des félicitations de ses pairs ou éludé et considéré comme insignifiant par autrui. Si une femme affiche ses poils non épilés, cela est souvent accueilli avec dégoût et/ou embarras par les observateurices, alors qu'encore une fois, lorsque les hommes affichent le même comportement, des aisselles et des jambes poilues, ils ne reçoivent aucun commentaire.

Chesler résume la situation des femmes comme suit:

La plupart des femmes du XXe siècle qui sont étiquetées psychiatriquement, traitées dans le privé et hospitalisées dans le public ne sont pas folles... il se peut qu'elles soient profondément malheureuses, autodestructrices, impuissantes économiquement et sexuellement – mais en tant que femmes elles sont censées l'être" (1972:25)

 

Chesler (1972) soutient en outre que les femmes sont piégées dans une situation où, si elles se conforment au rôle féminin, elles sont considérées comme gouvernées par leurs hormones et leurs émotions incontrôlables qui les rendent complètement irrationnelles et elles sont perçues comme étant mentalement malades par nature. Alternativement, comme illustré ci-dessus, si une femme tente de sortir de la norme féminine binaire de genre, elle est le plus souvent pathologisée. De plus, du point de vue structuraliste, si une femme choisit de se conformer aux normes de genre féminines, elle a plus de chances de souffrir d'une maladie mentale en raison des inégalités structurelles que les femmes subissent dans la société actuelle. Par ailleurs, il convient de noter que les femmes qui parlent de leurs conquêtes sexuelles ou qui affichent leurs poils ne sont généralement pas pathologisées pour cela, mais ces exemples soulignent clairement le fait que lorsqu'une femme affiche un comportement qui est synonyme de comportement masculin, elle est perçue de manière négative.

Ce n'est pas seulement le cas des femmes, les hommes aussi sont souvent ridiculisés s'ils affichent un comportement féminin, comme le maquillage par exemple. Comme l'affirme New (2001), les hommes ressentent souvent des pressions pour qu'ils respectent également les normes de genre masculine. Cette notion est soutenue par Williams (2005), qui souligne qu'il est important de reconnaître que les hommes aussi sont lésés et leur comportement opprimé, ce qui doit être compris dans le contexte du système de genre. Les hommes sont aussi souvent critiqués pour leurs émotions, des phrases telles que "ne sois pas une femmelette" et "sois un homme" sont synonymes de cela. Il est donc clair que les normes binaires de genre qui existent dans la société peuvent générer des contradictions et des difficultés indépendamment de l'identité de genre.

 

Comme l'affirme Williams (2005), la relation structurellement inégale que les hommes et les femmes partagent est présente en permanence au sein des familles, et c'est également là que les identités de genre se construisent en tant qu'enfant et adulte. Il est donc d'une importance capitale que la relation inégale entre les genres soit reconnue et que des mesures soient rapidement prises, faute de quoi un cycle inculquant des notions préjudiciables d'inégalité entre les genres dans l'esprit des enfants va se poursuivre. Williams (2005) relève toutefois que cela soulève quelques difficultés puisque les membres des groupes dominants préféreraient ne pas tenir compte de l'égalité dans leurs relations sociales, estimant que le statu quo serait avantageux pour toutes les parties concernées. Cela se reflète dans la rareté des publications qui mettent en évidence le lien entre les relations de genre et la santé mentale des hommes, ainsi que la résistance de ces idées dans le domaine de la santé mentale (Williams, 2005).


La société est patriarcale

 

La nature patriarcale de la société, associée à l'expérience des femmes en matière d'inégalités entre les genres, peut être considérée comme ayant entraîné une surreprésentation des femmes en santé mentale. Dans la société d'aujourd'hui, il est évident que les femmes sont confrontées à un certain nombre d'inégalités structurelles qui ont un impact sur leur statut socio-économique. En outre, on attend souvent des femmes qu'elles assument des rôles multiples au sein de la société, elles sont plus susceptibles d'être victimes d'abus ou de violences sexuelles et, par conséquent, elles souffrent souvent de stress et de problèmes de santé mentale. Si l'on considère ces facteurs, on peut clairement conclure que ce sont en fait les inégalités structurelles que connaissent les femmes qui les rendent folles. Avant d'entamer cette discussion, il est important de donner une définition de ce que l'on entend par patriarcat.

Les inégalités sociales dénotent une relation inégale entre un groupe privilégié et un groupe moins privilégié, un conflit d'intérêts est manifeste dans cette relation puisque le groupe privilégié est capable de réaliser ce qu'il veut aux dépens du groupe moins privilégié/puissant. Un exemple en est le patriarcat, ce type de système permet aux hommes de subvenir à leurs propres besoins au détriment des femmes, de tels systèmes inégalitaires sont soutenus par des valeurs profondément ancrées dans les institutions sociales et dans la vie quotidienne des gens qui sont les caractéristiques déterminant le contexte social (Baker Miller, 1976, Apfelbaum, 1993).

Les inégalités entre les genres qui existent encore aujourd'hui dans la société ont d'importantes répercussions sur la santé mentale des femmes, d'ailleurs au cours des deux dernières décennies, les inégalités vécues par les femmes et leur lien avec une mauvaise santé mentale ont commencé à être reconnues tant au niveau national (ministère de la Santé britannique, 2003) qu'international (OMS, 2000, Prince et coll., 2007). Il est donc utile de conceptualiser les problèmes de santé mentale vécus par les femmes comme des réponses à des expériences néfastes qui sont souvent enracinées dans leurs propres expériences d'inégalités et d'abus de pouvoir (Williams, 2005).

Des divisions au sein de la société actuelle existent sur la base de la classe, de la race et de l'ethnicité. En termes de genre, bien qu'il y ait eu des améliorations évidentes dans le statut des femmes au sein de la société, il y a toujours de fortes raisons de penser qu'aujourd'hui, bien que les femmes soient officiellement considérées comme égales dans la société, elles ne possèdent pas d'égalité effective. C'est ce qu'attestent les statistiques gouvernementales qui confirment la persistance de divisions genrées au sein de la société (Dench, 2002) et, plus récemment, les statistiques du ministère de l'Intérieur concernant spécifiquement l'égalité des genres dans l'emploi (Dewson et al., 2011).

Les notions de droits sociaux et de citoyenneté sociale sont considérées comme profondément genrées, comme le soulignent des critiques de l'État providence de Lister, qui soutient que la citoyenneté et les droits sociaux ont été construits en étant fondés sur un modèle masculin du pourvoyeur familial (2003). Ceci est étayé par des préjugés sur les sphères masculine et féminine, dans lesquelles la sphère féminine s'occupe de la maison, de la famille et de prendre soin de ses membres, et est dévalorisée. En outre, bien que les droits sociaux aient le potentiel de remédier au patriarcat de la sphère privée qui est manifestement vécu par les femmes, l'évaluation de ces droits pose encore problème. Par exemple, même si une femme est en mesure de trouver un emploi raisonnablement bien rémunéré, le coût des services de garde d'enfants annule souvent le potentiel effet positif d'un salaire plus élevé et il n'est donc pas financièrement intéressant de travailler pour elle.

C'est ce qu'illustre un article publié par The Guardian (2011) qui détaille les conclusions du Rapport sur le budget familial réalisé par l'assureur Aviva (2011). Le rapport souligne le coût moyen des services de garde d'enfants à temps plein et à temps partiel. Par rapport au revenu moyen d'une mère célibataire avec deux enfants qui ont besoin de services de garde à temps plein, il est évident qu'il y aurait un budget minimal disponible pour d'autres dépenses.

Les inégalités qui sont au cœur d'un conflit d'intérêts sont maintenues grâce à une série de processus et de pratiques qui maintiennent les privilèges et détournent l'attention des injustices. La domination associée à la possession du pouvoir, qui permet de dicter des idéologies, des cultures et des pratiques particulières au sein de la société, permet de légitimer l'inégalité, et le conflit d'intérêts qui est présent reste ainsi invisible. Les groupes dominants sont donc positionnés de telle sorte qu'ils sont en mesure de fournir une définition de ce qui constitue un comportement "normal", comme l'affirme Williams (2005) un comportement qui maintient l'inégalité est donc considéré comme normal.

Les femmes ont généralement un accès restreint aux ressources qui sont considérées comme favorisant la santé mentale, comme l'argent, le travail, le statut et la valeur sociale, ce qui signifie qu'en tant que groupe, elles sont plus à risque de souffrir de maladies mentales. Les femmes sont aussi plus souvent exposées à des risques pour la santé mentale, comme le travail dévalué et souvent non rémunéré, avec par exemple les travaux ménagers et les soins informels (Williams, 2005). Cela signifie donc que les rôles des femmes à l'intérieur du foyer sont généralement caractérisés par une surcharge de travail, de larges responsabilités et un manque de pouvoir, ce qui pourrait avoir un impact direct sur la santé mentale de ces femmes (Milne et Williams, 2003). L'existence d'inégalités structurelles permet de graves abus de pouvoir, la croyance répandue que les besoins sexuels des hommes doivent être satisfaits par les femmes est sous-tendue par les théories de l'inégalité entre les genres, ce sentiment que tout leur est dû est directement lié au viol et aux abus/violences/harcèlement sexuels. Statistiquement, les hommes sont le plus souvent les auteurs de violences physiques et sexuelles, les femmes en étant le plus souvent les victimes (ONS, 2013a). Les implications pour la santé mentale des abus de pouvoir de ce type sont considérables, les agressions physiques et sexuelles étant considérées comme des expériences courantes chez les femmes ayant des problèmes de santé mentale. Ces iniquités sont conservées par des processus qui "maintiennent le statu quo" (Williams, 2005), ainsi que par des conceptions ancrées dans la culture et la société sur ce que signifie être une femme bien et ce qui définit une femme saine.

Il ressort clairement du bref résumé des inégalités vécues par les femmes et des répercussions que cela peut avoir sur leur santé mentale que ces inégalités sont un facteur clé de la surreprésentation des femmes dans le domaine de la santé mentale. Williams et coll. (2001) observent que les services de santé mentale ainsi que diverses autres institutions sociales ont été réticents à prendre en compte l'existence d'inégalités sociales. Iels soulignent l'une des principales raisons de cette réticence, à savoir le rôle historiquement joué par les services de santé mentale dans le maintien du statu quo social par la désignation et la gestion en tant que folie de la détresse et des problèmes psychologiques causés par les inégalités sociales. En outre, une attention est portée au fait que toute tentative de contestation de cette conception se heurterait à la résistance des individus qui bénéficient d'un système fonctionnant de cette manière.


 

La psychiatrie est patriarcale
 

Le fait que la profession de psychiatre soit fondamentalement patriarcale peut être considéré comme une raison de la surreprésentation des femmes en santé mentale.

Historiquement, la psychiatrie a toujours été une profession dominée par les hommes et peut encore être considérée aujourd'hui comme étant incroyablement patriarcale par nature. Comme l'a noté Showalter:

 

"...à la fin du XIXe siècle, les femmes avaient nettement pris la tête de la carrière de patiente psychiatrique, une avance qu'elles n'ont cessé de conserver depuis, et qui ne cesse de croître." (1987:52)
 

Bien que les femmes fassent partie des professions de santé en tant que prestataires de soins, elles sont statistiquement une minorité en tant que médecins praticiennes (Genral Medical Council, 2013, Allen, 2005, Doyal, 1994). La médecine scientifique a commencé à dominer les soins de santé dans le monde occidental au cours des XIXe et XXe siècles, de sorte que les médecins étaient de plus en plus souvent en position de pouvoir et de haut rang social (Tyler et al., 2002). Aux 20e et 21e siècles, bien que les infirmières et les sages-femmes ne se perçoivent plus comme les "servantes des médecins" (Tyler et al., 2002:194), elles peuvent encore être considérées comme les subordonnées des médecins dont le rôle est de guérir, alors que le leur est de soigner. Historiquement comme de nos jours, la profession d'infirmière est à prédominance féminine, bien que le nombre d'infirmiers ait augmenté récemment. Fait intéressant, Evans (2004) a observé qu'au sein de la profession, il y a un nombre disproportionné d'hommes dans les postes de direction du système de santé mentale. Par conséquent, on peut conclure que le manque de femmes occupant des postes de pouvoir a conduit à ce qu'elles n'aient pas d'influence dans de nombreux domaines de la santé et qu'il s'agit donc d'un phénomène patriarcal.

 

La médecine occidentale continue de fonctionner selon ce que l'on appelle le modèle biomédical/médical de la santé, qui habilite les professionnel·les de la santé à guérir ou à prévenir de nombreuses maladies et à atténuer les symptômes de certaines autres (Doyal, 1995). Les origines de cette approche sont considérées provenir des efforts des médecins qui cherchaient à combattre l'idée répandue au Moyen Âge voulant que la cause de la maladie mentale fût démoniaque (Spanos, 1978). L'étude de l'anatomie et de la pathologie humaines aux XIXe et XXe siècles a conduit à l'essor et à l'adoption du modèle médical.

Le modèle biomédical demeure l'idéologie dominante qui influence la pratique de la santé mentale aujourd'hui, selon laquelle un trouble mental est une maladie qui peut être traitée médicalement. En ce sens, une personne atteinte d'une maladie mentale est considérée comme malade au même titre qu'une personne atteinte d'une maladie physique. Le modèle médical identifie les anomalies et les catégorise comme les symptômes de causes physiologiques, biochimiques ou génétiques (Cockerham, 1992). La Loi sur la santé mentale (Ministère de la Santé britannique, 1983) est la législation actuelle qui régit l'hospitalisation psychiatrique sans consentement en Angleterre et au pays de Galles. Bien qu'il existe une définition élaborée des critères juridiques d'hospitalisation, le code pratique qui l'accompagne stipule que "l'identification d'une personne qui entre dans ces catégories est affaire de jugement clinique" (Ministère de la Santé britannique, 1999; par. 30.5). Ce jugement est entre les mains de médecins (Laing, 1999) qui sont souvent critiqué·es pour dominer la terminologie de la maladie mentale (Heginbotham et Elson, 1999). Bien qu'il soit reconnu que la détention d'une personne en vertu de la Loi sur la santé mentale (1983) relève de la compétence de trois professionnel·les, il est à noter que deux d'entre elleux seront des médecins, un·e psychiatre (agréé en vertu de l'article 12) et un·e deuxième médecin ainsi qu'un·e praticien·ne de santé mentale agréé·e (AMHP). Par conséquent, la profession médicale continue d'exercer un contrôle important sur ce processus.

Bien que largement accepté, le modèle médical n'a pas manqué de rencontrer des critiques, Szaz (1994) conteste le modèle médical en le considérant comme une vision réductrice qui ne reconnaît pas la complexité de l'être humain·e.

Une autre des lacunes de l'utilisation du modèle médical dans le champ de la santé mentale est qu'il aborde tous les troubles mentaux comme s'ils étaient des maladies, d'où l'expression "maladie mentale". Horwitz (2002) affirme que cela a pour conséquence que la cause d'un état psychologique est recherchée dans les propriétés physiques du cerveau, plutôt que dans le système symbolique de l'esprit (Horwitz, 2002). C'est problématique, car la maladie mentale s'exprime en brouillant ces systèmes symboliques mentaux et traiter les symptômes de cette façon n'aide pas à comprendre la cause de la maladie mentale. Cockerham (1992) soutient que cela est dû au fait que les psychiatres sont socialisé·es dans une perspective médicale des suites de leur formation médicale, ainsi le modèle médical maintient son influence sur la psychiatrie puisque les psychiatres ont été formé·es pour considérer les problèmes de santé comme des problèmes médicaux.

De même, Bustfield (1986) fournit également une critique de ce modèle, en identifiant son orientation biologique et la séparation des individus de l'environnement. Doyal et coll. (1984) rejoignent la critique du modèle formulée par Bustfield (1986) et soulignent l'utilisation courante par les professionnel·les de santé de la métaphore de l'ingénierie, qui considère la maladie comme un défaut mécanique du corps et la tâche des professionnel·les de santé est de réparer les dommages (Doyal et coll., 1984). Elle interroge ensuite l'utilisation de cette métaphore pour expliquer la relation entre le corps et la maladie et postule que cela revient à ignorer la relation complexe entre le corps et l'esprit, en isolant le tout des facteurs sociaux et culturels (Doyal, 1995).

L'approche plus récente de la psychiatrie critique/post-psychiatrie, tout en tenant compte de la pertinence des connaissances empiriques, préconise une approche plus holistique qui intègre les aspects sociaux, politiques et culturels dans la compréhension de la maladie mentale et dans l'orientation des services de santé mentale (Bracken et Thomas, 2001), cela dit la surreprésentation des femmes reste manifeste.

S'il est admis que l'adoption du modèle biomédical dans le domaine de la santé a permis de faire progresser la compréhension humaine de la maladie et du traitement, il faut toutefois noter que ce type d'approche curative n'est pas entièrement utile pour comprendre les différentes expériences individuelles de la maladie (Doyal, 1995).

Les intérêts des femmes sont souvent particulièrement lésés par la tendance de la médecine moderne à réduire la complexité de la santé et de la maladie à des causes purement biologiques (Birke, 1986). Par exemple, les taux plus élevés de dépression chez les femmes sont souvent attribués à des facteurs biologiques comme les hormones, la naissance d'un enfant (dans le cas de la dépression postnatale) ou la ménopause et peuvent souvent entraîner des traitements inappropriés. En outre, cela peut aussi conduire à une naturalisation supposée des divisions entre les genres qui, comme le soutiennent Doyal (1995) et de nombreuses spécialistes féministes, sont en fait issues de la société.

Au sein du féminisme, il existe de solides arguments montrant que le savoir genré couramment préconisé par la profession médicale contribue à maintenir la division genrée dans la société. Tyler et coll. (2002) postulent qu'en reflétant des opinions discriminatoires à l'égard des femmes, la médecine reproduit également de telles conceptions en stéréotypant et contrôlant les femmes qui s'en écartent.

Foucault défend l'idée que la psychiatrie est une méthode de contrôle social, la ou le praticien étant perçu comme ayant des connaissances faisant autorité et la capacité d'observer ou de surveiller le ou la patiente en exerçant un pouvoir disciplinaire (Foucault 1973). Abondant dans ce sens, Bracken & Thomas (2001) soulignent l'énorme pouvoir de la psychiatrie dans sa capacité à détenir et à traiter les gens contre leur volonté par le biais des lois de santé mentale. Rogers et Pilgrim (2005) affirment que les lois de santé mentale illustrent des normes culturelles et sociales établissant ce qui est considéré comme acceptable dans une société donnée, ce qui est démontré par les différentes dynamiques entre État, société et utilisation de la législation en santé mentale dans différents pays.

Ussher (1991:13) affirme que "les discours qui régissent la féminité, les 'femmes' et la 'folie' sont irrévocablement liés". Elle applique la théorie foucaldienne du "discours" (Foucault, 1972) à la relation de l'individu et de la société à la folie, soutenant que lorsque l'on parle de folie, on sous-entend qu'elle est à craindre, individuelle, féminine et qu'il s'agit d'une maladie et affirme que l'expérience d'une personne (ici une femme) est déterminée par le discours qui l'entoure (Ussher, 1991). Cela a pour effet d'altériser et stigmatiser la femme. De plus, Freeman et Freeman (2013) affirment que pour plusieurs autrices féministes, l'idée que les femmes sont plus susceptibles de recevoir un diagnostic psychiatrique que les hommes n'est pas controversée, mais cela est souvent considéré comme dû au fait que le comportement rationnel des femmes soit stigmatisé en tant que maladie mentale.

En outre, Lorber et Moor (2002) résument l'argument avancé par de nombreuses féministes contre la médecine occidentale, selon lequel les normes médicales sont souvent basées sur le corps d'hommes blancs de la classe moyenne, donc quand une femme a ses règles, est enceinte, accouche ou traverse la ménopause, elle est qualifiée de malade (Lorber et Moore, 2002). Par conséquent, cela pourrait être considéré comme une pathologisation des événements naturels de la vie des femmes.

Historiquement, dans les revues médicales, les manuels d'enseignement et les dossiers d’hôpitaux, on a peu exploré les questions de genre liées à la psychiatrie, la recherche et les publications académiques sur ce sujet ont augmenté ces dernières années. On trouve cependant de l'information dans les lettres, les journaux intimes, les livres et les biographies d'écrivaines comme Virginia Woolf, Florence Nightingale et Charlotte Bronte (Kohen, 2000). Ces textes reflètent une compréhension du fait que la folie était tout bonnement "le prix que les femmes artistes ont dû payer en essayant d'exprimer leur créativité dans une société dominée par les hommes" (Kohen, 2000:42).

De nombreuses études psychologiques ont souligné que ce que la culture occidentale considère comme un rôle de femme coïncide avec ce qui est également considéré comme "mentalement malsain" (Russell, 1995). L'une des études les plus commentées sur ce sujet est celle de Broverman et coll. (1970) sur les stéréotypes de genre et le jugement clinique. L'étude a révélé qu'en ce qui concerne l'évaluation de la santé mentale, les femmes font l'objet d'un "double standard". À partir d'un échantillon de cliniciens et de cliniciennes, l'étude a révélé qu'il y avait une entente sur les attributs et les comportements qui constituaient une femme en bonne santé mentale et ceux d'un homme en bonne santé mentale. La description d'une personne adulte saine était très semblable à celle d'un homme en bonne santé mentale, mais pas à celle d'une femme en bonne santé mentale. On peut en déduire que la norme générale de santé correspond aux hommes alors que les femmes sont considérées comme étant en moins bonne santé selon les normes adultes (Broverman et coll., 1970).

Ces résultats ont été corroborés par une autre étude de Broverman et coll. en 1972, qui a conclu que les femmes étaient piégées dans une situation où si une femme quitte son rôle de femme, elle peut être considérée comme mentalement malsaine puisqu'elle ne remplit pas son rôle; cependant, si elle reste dans ce rôle, elle peut être considérée comme mentalement malsaine selon la norme adulte (Broverman et coll., 1972). Kaplan (1983) ajoute que la double contrainte qui existe ici pourrait en elle-même rendre une femme "folle".

Stricker (1977) critique cependant les études de Broverman et coll. sur la base d'une catégorisation arbitraire de certaines réponses comme "logiques" ou "illogiques", suggérant que les catégorisations démontrent des contraires bipolaires alors qu'en réalité il ne s'agit que d'une question de degré. Par contre, la reconnaissance d'une situation perçue comme perdue d'avance pour les femmes a été appuyée par d'autres études (Bem, 1974, Jones et Cochrane, 1981) (Barrett et White, 2002).

Par conséquent, bien qu'il soit reconnu qu'il y a eu une augmentation du nombre de femmes médecins, de nombreux domaines de la médecine, y compris la psychiatrie, continuent à être dominés par les hommes. La domination masculine sous-tendue par des notions de contrôle et des stéréotypes d'infériorité féminine peut donc être considérée de nature patriarcale (Goffman, 1961, Laing, 1960, Szasz, 1960). C'est ce qui ressort de la volonté de beaucoup de généralistes d'identifier des problèmes de santé mentale chez les femmes (Kohen, 2000) et de leur prescrire des psychotropes comme palliatifs aux problèmes diagnostiqués comme des troubles affectifs (Cooperstock, 1981) et dont les racines restent bien souvent insondées (Busfield, 1988). Bien qu'il soit admis que le traitement de première intention recommandé pour la dépression légère à modérée soit la thérapie psychologique par opposition aux médicaments (NICE, 2010), il est évident qu'il existe des disparités dans l'accessibilité aux services de thérapie en temps voulu à travers le Royaume-Uni (HSCIC, 2013), ce qui peut influencer la décision concernant la prise de médicaments psychotropes.

Il est à noter, cependant, que la psychiatrie n'existe pas dans un vide social, la profession opère dans une société dominée par les hommes et patriarcale. Dans ce contexte, il est difficile, voire impossible, de considérer l'un sans l'autre lorsqu'on s'interroge sur les femmes et la santé mentale, puisque la psychiatrie en tant que profession s'est développée en fonction de la nature de la société dont elle est issue et a donc intégré nombre des "normes" et valeurs présentes dans une telle société. La psychiatrie a une compréhension spécifique des femmes et du genre qui s'appuie sur les normes binaires de genre présentes dans la société occidentale moderne, il en va de même pour la manière dont la psychiatrie définit un état sain pour un individu. Il est donc admis qu'il serait trop simpliste de relier l'étiquetage des femmes comme folles uniquement à la psychiatrie et à la profession médicale. C'est évidemment un phénomène plus complexe et il apparaît que la profession est en soi le produit d'une société globale.

Ce qui est évident, c'est que l'adoption du modèle médical dans la pratique moderne de la médecine occidentale et des soins de santé mentale a entraîné une nette médicalisation de la folie.



 

Trois
Femmes et folie: perspective féministe critique

La pathologisation des expériences des femmes et la marginalisation de leurs points de vue font que la "santé mentale" est considérée comme un sujet de préoccupation pour de nombreuses féministes (Williams et coll., 2001). Il existe une littérature féministe considérable qui se concentre sur le corps des femmes et met en évidence les raisons de la subordination des femmes dans la société Brook (1999) et Keywood (2000).

Une grande partie de la théorie féministe utilisée pour expliquer les différences entre les genres dans le domaine de la santé mentale s'appuie sur des principes de construction sociale. La perspective de la théorie féministe sur les femmes et la santé mentale considère que les femmes sont plus souvent étiquetées ou diagnostiquées comme étant malades mentales que les hommes (Kohen, 2000). Dans cette école de pensée, on affirme qu'en raison du sexisme au sein de la société qui est particulièrement ancré dans l'attitude des professionnel·les de la santé que sont les psychiatres, les femmes sont plus susceptibles d'être étiquetées comme malades mentales.

Dans Femmes et Folie, Chesler (1972) soutient que la folie/maladie mentale est liée à l'accomplissement des rôles sexuels d'une personne. Elle illustre cela en affirmant que lorsqu'iels sont confronté·es à des pressions, les femmes et les hommes exagèrent leurs réactions habituelles. Par conséquent, les femmes, dont Chesler (1972) affirme qu'elles manifestent en général de plus fortes émotions d'anxiété, de peur et de tristesse, sont susceptibles de ressentir plus fortement ces émotions lorsqu'elles sont sous pression, ce qui peut donc les amener à être étiquetées comme malades mentales. Étant donné que le rôle des femmes est moins valorisé dans la société, la folie, tant chez les femmes que chez les hommes, est un comportement qui correspond à ce rôle féminin. De plus, si une femme rejette le rôle sexuel féminin que la société attend qu'elle joue, elle est également étiquetée comme folle. Par conséquent, une femme qui se conforme au rôle sexuel féminin et une femme qui s'oppose au rôle sexuel féminin sont toutes deux folles, tandis qu'un homme n'est étiqueté fou que lorsqu'il ne se conforme pas au rôle sexuel masculin, lorsqu'il remplit le rôle sexuel masculin il est considéré comme parfaitement sain. Cela illustre ce que Marcia Kaplan (1983) considère comme le "catch-22" [situation paradoxale] auquel les femmes font face en matière de santé mentale (tel que mentionné précédemment).

La perspective féministe est cependant problématique pour certains, Sedgwick (1982) en formule une critique, affirmant que les chercheuses féministes présentent un argument contradictoire au sujet des femmes souffrant de maladie mentale. Il souligne que, d'une part, il existe l'idée que l'oppression vécue par les femmes les rend malades, comme l'ont exprimé Chesler (1972) ainsi que Oakley et Cracknell (1981). D'autre part, Sedgwick commente l'idée présentée par les chercheuses féministes selon laquelle l'étiquetage même des femmes en tant que malades mentales représente une preuve de pouvoir patriarcal, une conception également exprimée par Chesler (1972) ainsi que par Ehrenreich et English (1978).

Sedgwick est d'avis que le seul point commun exprimé par ces points de vue est l'idée que les femmes sont perçues comme étant victimes soit de l'ordre social qui les rend folles, soit de la psychiatrie sexiste qui pathologise leurs comportements. De plus, il critique ces deux points de vue comme ignorerait le fait qu'une personne cherchant de l'aide veut simplement (re)prendre un contrôle sur sa vie (Sedgwick, 1982). L'article d'Hillary Allen intitulé "Psychiatry and the Feminine" [La psychiatrie et le féminin] abonde en ce sens, en identifiant également cette réaction apparemment contradictoire de la part des chercheuses féministes (Allen, 1986).

Busfield (1988) conteste le point de vue de Sedgwick en affirmant que cette question n'est pas simplement de nature académique et identifie les implications plus larges qu'elle a sur la vie et les décisions politiques. Busfield (1988) examine les deux arguments avancés par les féministes et conclut qu'ils ne sont en fait pas contradictoires, mais ne sont que "les deux faces d'une même pièce" (1988, p. 537) et qu'ils reflètent en fait le passage, au sein du système public de santé, d'une priorité accordée aux troubles graves vers une priorité accordée aux troubles moins graves. Busfield fait remarquer que les arguments avancés par les féministes représentent une contribution clé à l'idée qu'une focalisation individualiste et matérielle sur les maladies mentales moins graves n'est pas progressiste.

Le concept de changement est toujours présent au sein du féminisme, puisque, quelles que soient les diverses formes qui existent, tous les courants du féminisme reposent sur la reconnaissance de la subordination et du désavantage des femmes au sein de la société et sur l'objectif ultime d'y remédier (Morris et Nott, 2002).


 

Conclusion

Il existe deux principales explications à la surreprésentation historique des femmes dans le champ de la santé mentale que l'on observe toujours dans la société actuelle et qui fait que les femmes sont souvent étiquetées comme folles.

La première perspective considère la nature problématique des normes binaires de genre et soutient que les femmes sont souvent considérées comme folles/malades mentales parce qu'elles refusent de se conformer à la féminité ou de la performer d'une manière qui soit considérée comme socialement acceptable, ce qui est donc perçu comme une pathologie. À la lumière de cet argument, toute femme qui ne se conforme pas aux idées socialement acceptées de la féminité est pathologisée, ce qui pourrait inclure les femmes transgenres, les femmes lesbiennes, les femmes handicapées/déficientes et les femmes qui ne se conforment pas visuellement à l'apparence d'une femme traditionnelle. En bref, cette perspective soutient que les femmes sont folles parce que la société les considère comme telles.

La seconde est une explication structurelle qui met l'accent sur les vies des femmes; leur expérience du sexisme dans la société, les statistiques qui révèlent que plus de femmes que d'hommes vivent dans la pauvreté (les personnes précarisées sont plus susceptibles de développer une maladie mentale) et que statistiquement les femmes gagnent moins que les hommes sur le marché du travail (le stress causé par un faible salaire et, par conséquent, l'incapacité à subvenir à ses besoins et ceux de sa famille pourrait causer une maladie mentale ou y contribuer). De plus, le fait que les femmes soient plus susceptibles d'être victimes de violence familiale revêt une importance particulière. L'impact de la convergence de l'ensemble de ses facteurs augmente évidemment la probabilité et le risque de développer des problèmes de santé mentale.

Il est essentiel au fonctionnement du statu quo et des privilèges que l'effet néfaste des inégalités sur la santé mentale des femmes ne soit pas reconnu, et les personnes qui choisissent de contester cette situation sont souvent mises à mal. Selon cette perspective il est donc possible de soutenir que les femmes sont considérées comme folles parce que leurs vies les rendent folles.

À la lumière de ce qui précède, l'explication de la relation entre les femmes et la folie donnée par Chesler (1972) devient évidente, elle qui décrit le "catch-22" [situation paradoxale] auquel sont confrontées de nombreuses personnes qui s'identifient comme femmes, selon lequel lorsqu'une femme se conforme aux normes féminines elle est étiquetée comme folle, tandis que toute tentative de se libérer du rôle binaire du genre féminin est considérée comme un symptôme de folie. Kaplin (1983) ajoute que cette "double contrainte" pourrait en soi rendre une femme folle. Bien que cette analogie ait été faite il y a plus de quarante ans, si l'on considère les représentations statistiques et culturelles actuelles des liens entre les femmes et la folie, il est évident que les femmes continuent d'être confrontées à cette "double contrainte" de nos jours.

 


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★★★

Source: academia.edu

Traduit de l'anglais. Cette traduction est participative et D.I.Y., toute personne peut proposer des améliorations, cette version est donc susceptible d'être modifiée.

Description de l'image: le visage de la même femme à trois stade différents. 1er stade la femme a le visage liquéfié de détresse et les cheveux bleus complètement ébouriffés, au 2ème stade ses traits dénotent toujours un malêtre mais moindre et ses cheveux sont verts, dans le 3ème, elle affiche un visage guilleret à l'apparence stéréotypé de la parfaite femme blanche, blonde aux yeux bleus bien apprétée et épanouie.

Crédit image: Kristian Hammerstad

 

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