À Propos de Zinzin Zine

 

Zinzin Zine diffuse des outils théoriques et pratiques pour lutter contre le système psychiatrique et le sanisme*, par soi-même ou à plusieurs.

Pour contextualiser, la personne qui tient ce blog est une anarcha-féministe, lesbienne non-binaire, blanche, psychiatrisée, aux revenus faibles, née en banlieue française de parents immigréEs (Portugal) et prolétaires et dont le père s'est graduellement enrichi (transfuge de classe) de sorte qu'elle bénéficie maintenant de certains privilèges matériels (logement pérenne) sans pour autant empêcher la précarité économique et l'exclusion sociale.

CONTACT MAIL : zinzinzine@riseup.net

Le texte ci-dessous présente les quelques bases politiques antipsychiatriques et révolutionnaires défendues ici, qui sont issues de mes échanges et de mes engagements dans divers collectifs luttant contre la psychiatrie, ainsi que de mon expérience personnelle.

Zinzin Zine ne prétend pas représenter la totalité et la diversité des personnes directement concernées par le système psychiatrique et la psychophobie. 


 

CETTE PRÉSENTATION EST MODIFIÉE DE TEMPS EN TEMPS

 

L'analyse critique des discours psys
 

La psychiatrie est une institution qui ne vise pas à résoudre les problèmes des individus, mais à résoudre les problèmes que des individus posent à la société. Sa fonction est de maintenir l'ordre social, c'est une institution de répression et de contrôle social médicalisée. Un pouvoir déguisé en savoir. Étant donné la place centrale qu'elle occupe de nos jours, il est incontournable pour les luttes révolutionnaires de développer des outils pour comprendre et combattre son pouvoir. La psychiatrie est notamment utilisée pour légitimer, naturaliser et invisibiliser les systèmes d'oppressions en pathologisant certaines réactions de défense des oppriméEs et en prônant l'adaptation aux divers systèmes d'oppressions comme norme de santé mentale. Son pouvoir s'inscrit aussi dans un contexte historique, elle qui a largement remplacé l'institution religieuse à cette fonction de contrôle et de reproduction de l'ordre social. C'est une évolution issue des pays dits "occidentaux", mais ce système étend toujours plus son emprise aux pays déjà sous contrôle impérialiste.

La psychiatrie hiérarchise et trie les gens en fonction du système de valeur dominant, qui est fondamentalement capitaliste, raciste, sexiste, validiste etc. Tout en haut, il y a les personnes "saines", "normales" et productives. En dessous, il y a les "bons malades" qui sont "réparables" et qui méritent qu'on se soucie un peu de leur "santé mentale" (pour les forcer à retourner plus vite au travail). Enfin, tout en bas on trouve les "rebus", les malades jugéEs "irrécupérables" et/ou dont l'exploitation n'est pas assez rentable. La psychiatrie veillera à exclure ces indésirables derrière les murs des institutions ou de l'indifférence, pour protéger au mieux l'ordre social et économique. La psychiatrisation est aussi un redoutable moyen d'altérisation. L'altérisation est un processus social par lequel un groupe de personnes est considéré comme fondamentalement différent, au point que leur humanité est dévalorisée.

Les discours psy sont un des bras médicalisé du capitalisme
et les promoteurs de l'individualisme le plus effréné. À travers l'idéologie psy, nos réactions psychologiques de défense face à un environnement malsain sont invalidées et décontextualisées. Les psychanalystes réduiront nos problèmes à des conflits intrapsychiques, les biologistes à des dysfonctionnements neuronaux, les comportementalistes à des schémas de pensée erronés, etc. Le mécanisme étant toujours le même: le problème vient de l'individu et pour le régler c'est donc sur l'individu qu'il faut agir. La psychiatrie vise à nous changer pour que rien d'autre ne change, nous voulons que toute l'organisation sociale change, pour que nous n'ayons plus à subir un tel degré de violences et de souffrances quotidiennes.

Trop de personnes sont confrontées quotidiennement aux violences psychiatriques et à la déshumanisation qui va avec et trop peu d'outils d'autodéfense sont à leur disposition. Les psys ont le pouvoir de nous assigner à une place sociale asphyxiante à grands coups de justifications médicales présentées comme objectives, neutres et bienveillantes (c'est-à-dire au-dessus de toute critique possible) et il est alors vital de savoir qu'il n'y a pas de fatalité à accepter cette place et que d'autres voies sont possibles.

Trouver d'autres approches
 

La volonté de mettre fin au système psychiatrique n'est pas antagoniste avec le fait de chercher aussi dès maintenant à s'organiser autrement. Notre but n'est pas de créer une psychiatrie alternative, par contre, nous voulons expérimenter dès aujourd'hui des alternatives à la psychiatrie. En cherchant des moyens collectifs, non coercitifs et non carcéraux, de répondre aux souffrances. Nous ne voulons pas améliorer (réformer) le système psychiatrique, un système foncièrement coercitif, mais l'abolir, pour qu'une autre organisation collective puisse véritablement émerger. Ceci dit, les réformes et alternatives qui ne se contentent pas d'élargir l'emprise du pouvoir psychiatrique sur nos vies et qui au contraire permettent d'éroder ce système, avant de pouvoir s'en débarrasser complètement, sont les bienvenues. Nous n'attendrons ni pour combattre ce qui existe ni pour expérimenter comment faire autrement.

Nous ne sommes pas contre le soin, le soutien et l'entraide psychologiques, nous sommes contre  l'instrumentalisation du ''soin'' par la psychiatrie dans un but de répression et de contrôle social. Si à terme, notre lutte vise l'abolition de l'institution psychiatrique, il ne s'agit certainement pas de priver qui que ce soit de l'aide dont iel estimerait avoir besoin. Notre combat se fonde donc avant tout sur les besoins et les intérêts des personnes les plus touchées par les violences psychiatriques, en terme de solidarité, de soutien, d’autodétermination, ou de soin. Cela passe entre autres par la lutte contre nos conditions matérielles d'existence, par l'entraide collective face aux difficultés psychiques, par le fait de regagner dès aujourd'hui un maximum de pouvoir face à l'institution psychiatrique, par exemple en luttant contre tout recourt possible à la contrainte. Et comme il ne s'agit pas de tout rejeter sans nuances, notre lutte peut aussi passer par la réappropriation de certains outils psys actuels, en nous formant à l'usage le plus raisonné possible des médicaments psychiatriques par exemple, ou encore en cherchant une écoute professionnelle la plus bienveillante possible, sans se leurrer sur les limites d'un tel cadre. Nous refusons l'impasse dans laquelle nous enferme l'hégémonie du système actuel, où notre seul horizon est de subir des violences répressives déguisées en soin, ou bien de devoir se débrouiller sans rien.

Notre lutte passe aussi par l’autodétermination et la réappropriation des manières de comprendre et de prendre soin de nos diverses atypies et souffrances psychiques considérées comme anormales et pathologiques. Nous tentons de développer de meilleures connaissances de ces phénomènes. Nous ne pensons pas que l'on puisse entièrement séparer les manifestations de détresse psychologique humaine de l'environnement social, historique et culturel dans lequel elles émergent, donc des systèmes patriarcal, capitaliste, raciste, validiste, âgiste, hétérosexiste, cisexiste, grossophobe, etc, dans lesquels nous vivons.

Nous cherchons des perspectives sur les souffrances psychiques qui prennent en compte les conséquences psychologiques des diverses violences systémiques. Mais attention, il ne s'agit surtout pas de psychiatriser les oppriméEs, en prétendant qu'iels seraient juste des "malades" qui auraient besoin de trouver le bon psy, augmentant ainsi les filets de la psychiatrie, l'individualisation des problèmes sociaux et donc notre impuissance à transformer le monde extérieur. Au contraire, il s'agit de dépsychiatriser les fols (contraction de fous/folles), de nous libérer au maximum de la psychiatrie, en dénaturalisant l'ordre actuel des choses, en montrant tout ce qu'il a aussi de logiques dans nos folies, de "sain" dans nos souffrances et nos inadaptations et à quel point bien souvent, la meilleure façon de les soulager durablement serait de transformer radicalement nos conditions de vie. Pour ça nous avons besoin de solidarité et de lutte collective, or la psychiatrisation de nos problèmes nous en éloigne toujours un peu plus. Fondamentalement, ce n'est pas nous qui "dysfonctionnons", mais ce système insoutenable. Nos souffrances sont principalement causées ou exacerbées par des violences sociales et environnementales et non par des défauts individuels que la psychiatrie devrait corriger.

Nous nous intéresserons à des modèles qui reconnaissent l'importance de la diversité des fonctionnements psychologiques humains. Dans cette société ultra-standardisée, nous pensons qu'il est nécessaire de proposer d'autres perspectives (les nôtres!) sur nos divers fonctionnements mentaux, nos différentes manières d'être au monde, nos crises existentielles, nos états de conscience atypiques, nos tristesses, nos peurs, ou nos joies extrêmes et toutes autres manifestations psychologiques ou comportementales considérées comme "anormales" et réprimées comme telles. Notre valeur humaine ne devrait jamais dépendre de nos capacités à répondre aux besoins de productivité de l'économie capitaliste.

 

Ni pureté ni perfection
 


Notre perspective est celle d'une libération de tout système d'exploitation et d'oppression, quel qu'il soit. Mais nous n'avons ni la prétention ni l'envie de construire un nouveau savoir clés en main pour gérer la Folie, ou la Révolution. Nous ne revendiquons aucune pureté théorique. Nous voudrions simplement que chaque personne qui passe par ici puisse trouver des outils dont iel pourrait avoir besoin, pour combattre le système psychiatrique et le sanisme, pour essayer de comprendre par soi-même ou à plusieurs de quoi peut être fait son mal-être ou ses crises existentielles, ou encore pour prendre mieux soin de soi et des autres.

Toutes les contributions présentées ici ont pour but de contribuer à forger notre savoir collectif sur ces questions, d'être des supports pour la discussion, la réflexion et l'action, mais pas à être des guides à suivre au pied de la lettre. Quoiqu'en disent les maîtres à penser, deux des pires obstacles des luttes révolutionnaires ne sont pas les erreurs ou les errements, mais bien la passivité, le dogmatisme et la résignation qui vient quand on attend des textes parfaits comme on attendrait la révélation divine. La théorisation n'en reste pas moins importante, seulement cet effort de théorisation est ici perçu comme un processus collectif et progressif, devant être le fruit d'un va-et-vient permanent entre les actions menées dans les luttes et la réflexion et non quelque chose qui devrait sortir tout cru de la bouche du prochain messie.


Si notre propre perspective est révolutionnaire, ce ne sera pas forcément le cas de toutes les contributions présentées ici. Notre parti pris est d'accepter des contributions avec lesquelles nous ne partageons pas nécessairement toutes les considérations, à partir du moment où nous pensons qu'elles peuvent tout de même être utiles à nos luttes. Pour autant, nous ne publierons bien sûr pas n'importe quels textes, puisque nous n'accepterons aucune contribution qui cherche volontairement à véhiculer des idées oppressives, quelles qu'elles soient. Et comme on peut se tromper, n'hésitez pas à nous faire savoir si vous pensez qu'une contribution pose problème, ou si vous voulez inclure une note ou une introduction pour apporter des précisions ou des critiques qui vous sembleraient nécessaires.

Si nous avons une large préférence pour les contributions des personnes les plus touchées par les violences psychiatriques, nous acceptons aussi des contributions de personnes alliées, ainsi que celles de professionnelLEs de la santé mentale, lorsqu'iels tentent de produire des autocritiques ou qu'iels partagent des savoirs utiles. Étant donné la variété des sources desquelles nous chercherons à tirer des pistes libératrices, nous sommes conscientEs que certaines idées entreront parfois en contradiction. Certaines personnes s'approprient le vocabulaire des diagnostics psychiatriques quand d'autres les rejettent, par exemple. Nous assumons entièrement ces contradictions qui nous paraissent davantage refléter la singularité du cheminement de personnes qui s'interrogent et luttent contre un système d'une violence implacable, que des visées catégoriquement antagonistes. Nous sommes de celleux qui pensent que pour en finir avec toute forme d'exploitation et d'oppression, pour arriver à la liberté et à l'entraide de toustes, autant de petits pas que de grands coups dans la machine sont nécessaires, dans la mesure des moyens, des besoins et des capacités de chacunEs.

Bonne navigation et vive la lutte des psychiatriséEs et de toustes les oppriméEs!


CONTACT MAIL : zinzinzine@riseup.net

 

* le sanisme est une forme  de validisme, c'est à dire une des formes de l'oppression des personnes handicapées qui vise spécifiquement les personnes considérées comme malades mentales ou folles.

 

Illustration 1: un dessin représentant unE personnage hautE en couleur, entouréE de tempêtes d'éclairs, de flammes et d'étoiles filantes. Il est écrit en castillan: "motivation totale contre la normalité". Crédit: El Cometa Ludo

Illustration 2: logo original des Mad Pride du Royaume-Uni,dans lequel le symbole anarchiste du ''A'' cerclé remplace le ''A'' de MAD

Illustration 3 : noir et blanc, deux tiges de plantes entourées de bannières sur lesquelles est écrit "A new world in our heart" [Un nouveau monde dans notre coeur]. Crédit : Amanda Priebe

Illustration 3 : un dessin d'un crâne d'être humainE de profil, avec une galaxie chatoyante à la place du cerveau

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Description de l'image de fond de la bannière du blog : un gros plan partiel d'une étoile à 16 branches aux multiples couleurs vives: rouge, orange, rose et bleu, sur fond blanc. Crédit image : Tabitha Bianca Brown

Description de l'image de la partie "à propos": Badge au fond rose clair, il est écrit en noir :
"SI C'EST CONTRAINT C'EST PAS DU SOIN"

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