Le feu, la rage, l'orage #5. Émission sur la folie, la psychiatrie et la lutte des psychiatrisé-e-s

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Le feu, la rage, l'orage #5. Émission sur la folie, la psychiatrie et la lutte des psychiatrisé-e-s

Le feu, la rage, l’orage est une émission queer et féministe en mixité choisie MeufsTransPédésGouines, un mardi par mois à partir de 20h sur radio Pikez.

Le numéro 5 de l'émission avait pour thème: "folie, psychiatrie et lutte des psychiatrisé-e-s". Voici la description de l'émission:

"On avait envie de parler de parler de la folie, de notre rapport à la psychiatrie et de luttes des personnes psychiatrisé-e-s
La psychiatrie touche tout le monde, que ce soit certain-e-s d’entre nous ou des proches autour de nous, il est difficile de passer à travers. Et notamment en tants que meufs, trans pedes gouines. Les psychiatriséEs sont des marginaux, des anormales, des personnes qui ne correspondent pas, pour une raison ou une autre, à l’idée de normes, de validité et d’efficacité que le système capitaliste hétéro-cis-patriarcal voudrait nous imposer.
Notre rapport à la psychiatrie est complexe en tant que psychiatrisé-e-s et proches qui luttons contre toutes formes de dominations et d’enfermements. "

Faute de pouvoir transcrire toute l'émission, vous trouverez tout de même un petit passage transcrit plus bas: il s'agit d'un des témoignage anonyme
lu pendant l'émission.

Pour écouter le podcast de cette émission 🔥🔥🔥 suivez le lien ci-dessous. Il s'agit de l'émission n°5:


(Transcription d'un extrait du podcast de l'émission #5 Le feu, la rage, l'orage, à partir de 51:00)


Témoignage anonyme.


 

[Avertissement: souffrance émotionnelle, polytoxicomanie, viol.]
 

Je vais vous raconter une partie de mon vécu de psychiatrisé. Une expérience parmi tant d'autres. Elles sont toutes complexes et différentes, c'est pourquoi il n'existe pas une solution. Et il n'y a selon moi aucun jugement à porter sur la manière dont chaque personne survit à cette société de malades qui nous opprime, notamment à un de ses rouages de l'enfermement dont le but est de nous remettre dans la norme, nous réinsérer, nous rendre exploitables et malléables: la psychiatrie.

Je crois que j'ai commencé à me sentir à part très jeune et que ça n'a fait que s'amplifier jusqu'à aujourd'hui. Ne pas rentrer dans les normes que la société voudrait nous imposer: punk, anarchiste, bi, trans, fou, tox, que des étiquettes qu'on nous/se colle sur la gueule, mais qui nous font rentrer dans la case déviant, marginal. Il y a des moments où je l'assume, je peux même en faire une fierté, mais aussi plein de moments où je me sens trop en décalage, isolé, incompris. J'en souffre et ça peut me faire vriller.

Jusqu'à aujourd'hui, j'ai réussi à échapper à l'HP et un certain nombre de fois, vraiment de peu. Cela a été possible grâce à chaque fois à des personnes très proches, qui ont su me trouver les bons médocs pour redescendre, m'accompagner aux urgences tout en étant très attentives au risque d'enfermement, m'accompagner dans ces moments de crise par de l'écoute, de la tendresse, du réconfort et tout simplement rester près de moi. Mais on ne peut pas tout le temps tout demander à ses proches, il et elle ne sont pas tout le temps en capacité de me soutenir et je me suis fait depuis longtemps à l'idée que je finirai sûrement un jour à l'HP, faute d'alternatives. Et bien évidemment, ça me fait grave flipper d'y penser tout le temps.

Je crois que j'ai toujours eu besoin d'échapper à la réalité de cette société. Peur de m'enfermer dans la routine du quotidien. Enfant, je me racontais toujours plein d'histoires dans ma tête, avec des vies plus excitantes les unes que les autres. À l'adolescence, j'ai découvert les drogues, qui m'ont permis pendant un sacré nombre d'années et encore de temps en temps aujourd'hui, cette fuite momentanée de la réalité.

Je suis devenu polytoxicomane très vite, ce qui m'a amené à avoir plein de comportements à risque, mais aussi à faire mes premiers délires sous speed pour manque de nourriture et de sommeil. Premier délire, j'avais environ 20 ans, j'ai vu des gens me poursuivre avec un couteau de boucherie, puis des heures enfermé, persuadé qu'on voulait me tuer. Des proches et des médicaments m'ont permis d'éviter le pire: l'enfermement.

Quelques années plus tard, je me suis fait violé, chez moi, par une personne que je connaissais. Ça a été la descente aux enfers vers une consommation assez vénère de drogues et d'alcool et ma première rencontre avec les psychiatres, qui m'ont très vite mis dans la tête que c'était un peu de ma faute quand même. C'est à ce moment-là que ma haine des psys a commencé. Il n'était pas non plus question pour moi de me laisser enfermer dans le statut de victime dans lequel la société patriarcale voulait m'enfermer.

 

S'en est suivi 10 ans de grand n'importe quoi, d’autodestruction, avec une surconsommation de différents produits, de comportements et relations à risque, le but était de se mettre le plus possible la tête à l'envers, ne plus penser, jusqu'à en arriver à prendre de la came pendant un bon moment. Puis un jour, j'ai décidé d'arrêter de fuir et de me détruire. J'ai arrêté la came, seul, sans traitement, mais au bout de quelque temps, j'ai eu besoin de me faire aider, je ne dormais plus.

J'ai donc été voir un psychiatre addictologue, bon en fait une pourriture de médecin dealer. Il m'a prescrit des médocs à forte dose, il ne m'a jamais écouté, ni porté le moindre intérêt à ce que je lui disais et encore pire, n'a jamais répondu à mes questions sur les médocs qu'il me prescrivait.

J'ai donc pris des anxios pendant un paquet d'années. Je suis devenu complètement dépendant à ces pilules qui au final, je le dirais aujourd'hui, m'ont rendu encore plus angoissé que je ne l'étais avant. Sans compter tous les effets dits secondaires dont on nous parle jamais: changement d'humeur, fatigue, tension dans les yeux, spasmes, etc. J'ai tenté un certain nombre de fois d'arrêter, mais sans jamais y arriver. Aujourd'hui, je me débrouille pour avoir un médecin généraliste qui me fait des ordonnances régulièrement, pour toujours avoir des anxios et je pratique l'automédication. Je pense être la personne la plus à même de savoir quand j'ai besoin ou pas de ces médocs, que ça me permet à plein de moments de ne pas vriller.

J'aimerais ne plus jamais voir de psychiatres, je les hais tellement, peut-être encore plus que les flics et les juges, mais voilà, j'ai toujours peur comme une épée au-dessus de la tête: celle à tout moment de craquer, de péter les plombs et de me retrouver enfermé et sous l'autorité de ses flics en blouses blanches. Je ne supporte pas l'autorité. Alors je continue ces médocs, dès que je sens que je commence à vriller, je me fais une semaine ou deux de xanax. J'aimerais pouvoir un jour m'en passer, mais je n'y crois même plus, j’essaie juste de survivre dans ce monde de merde, sans avoir vraiment aucun espoir que ça change. Je cherche en permanence des complices, en espérant un jour la voir brûler cette société capitaliste et toutes ces normes hétéro-cis-patriarcales.

 

Et ce que j'aimerai par-dessus tout c'est que les personnes valides, cis, hétéra et tous les psys avec ou sans blouse blanche, arrêtent de me dire à longueur de temps ce qui est bon pour moi, que peut-être il faudrait que je me soigne de telle manière qu'il faudrait quand même qu'un jour j'arrête la drogue et les médocs, que quand même c'est dangereux pour ma santé, que peut-être les hormones c'est pas une bonne idée: ''T'es sûr, Tu vas prendre de la testo et te faire enlever les seins?!'', que quand même, il faut que je leur laisse le temps de faire le deuil, etc. Hé, vous savez quoi? Restez dans votre normalité et foutez-moi la paix, je vous emmerde.

 

Force et courage à tou-te-s les psychiatrisé-e-s.
 

Solidarité avec tou-te-s les enfermé-e-s.

 

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